CONTACT

Incertitudes sur le préjudice de « reste à facturer » en cas de résiliation anticipée

15 novembre 2024 | Derriennic Associés |

Incertitudes sur le préjudice de « reste à facturer » en cas de résiliation anticipée

Analyse croisée d’arrêts : les Cours d’appel de Rennes et Paris ont été amenées, dans deux arrêts, à se prononcer sur les conséquences financières de la résiliation d’un contrat conclu sous la forme d’un « abonnement ». Si les solutions prononcées sur le fond par les deux Cours diffèrent, ces dernières font planer le spectre du risque d’une absence de réparation des « restes à facturer » à la date de la résiliation.

Les deux affaires dont ont eu à connaître les Cours d’appel de Paris et Rennes traitent toutes deux, in fine, de la difficile question de l’indemnisation du prestataire en cas de résiliation anticipée du contrat d’abonnement qui le lie à son client s’agissant, notamment, des sommes restant à valoir sur ledit contrat.

Cependant, les faits d’espèces présentent des différences qui permettent de mieux cerner la différence d’appréciation retenues par les Cours.

Le bien-fondé de la résiliation anticipée d’un contrat d’ « abonnement »

Dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, une société spécialisée en informatique avait conclu avec son client deux contrats pour l’implémentation d’une solution de gestion dont l’un constituait une « licence » payable mensuellement d’abonnement à la solution.

Dans celui rendu par la Cour d’appel de Rennes, plusieurs contrats de location, dont un de matériel de téléphonie et un autre d’abonnement à internet, avaient été conclus entre une société de conseil en systèmes et logiciels informatiques et son client.

Un manquement au devoir de conseil invoqué

Les deux arrêts sont relatifs à un litige né entre les co-contractants de la résiliation anticipée par les clients du contrat qui les liait à leur prestataire – étant précisé que, dans le second cas, cette résiliation n’a pas pris la forme d’un courrier mais s’évinçait, selon la Cour, du refus par le Client d’une nouvelle proposition qu’il avait sollicité ainsi que de la restitution du matériel.

La Cour d’appel de Paris rejette le manquement au devoir de conseil du prestataire et, au travers de cette dernière, l’ « exception d’inexécution » invoquée par le client, en ce que « la résiliation du contrat d’abonnement a été dénoncée plus de trois ans et demi après les doléances sur certaines fonctionnalités de l’application dans le mois qui avait suivi l’implémentation » et, tandis que le client avait « accepté d’acquitter le prix de l’abonnement sur cette période ».

Dans l’affaire traitée par la Cour d’appel de Rennes, la juridiction le reconnaît en estimant, par une formule concise, que si le prestataire s’était acquitté correctement de son devoir de conseil, la société cliente « se serait aperçue que les offres de fibre n’étaient pas adaptées à ses flux » et aurait donc « été en mesure de les refuser ou de les faire modifier avant de s’engager ».

La clause pénale n’est pas inefficace mais peut-être modérée

Dans l’un des cas, donc, il y a lieu d’indemniser le client, ce que la Cour fera, là où un manquement à l’obligation de conseil a été caractérisée. Il n’en demeure pas moins que les deux arrêts peuvent être rapprochés sur la question du sort des loyers à échoir de l’abonnement.

Paradoxalement, en apparence, et alors qu’elle reconnaît la faute commise par le prestataire et le condamne à reverser les frais d’installation du matériel inadapté facturés à son client, la Cour d’appel de Rennes accorde à ce dernier le bénéfice de sa clause pénale figurant dans les conditions générales du contrat d’abonnement – qui devait s’élever, classiquement, au montant des loyers à échoir jusqu’au terme du contrat ainsi qu’aux intérêts au taux légal majoré – qu’elle modère.

En l’absence de clause pénale, cependant, et alors qu’elle reconnaît le caractère infondée de la résiliation du contrat d’abonnement à la solution, dans l’autre affaire, la Cour d’appel de Paris retient qu’ « il ne se déduit pas la preuve que le montant du préjudice [que le prestataire] a supporté en raison de cette résiliation représente la contrepartie des quatre années d’abonnement à compter du 1er janvier 2020 qu’elle revendique » (nous soulignons).

La Cour ne fait donc pas droit, dans le cadre d’une résiliation infondée, au préjudice invoqué par le prestataire sur les sommes qu’il aurait pu facturer si le contrat n’avait pas fautivement été résilié. 

Une explication casuistique peut cependant, être avancée. Au cas d’espèce, en effet, le contrat avait été dénoncé après son renouvellement tacite, pour une durée de quarante-huit mois, point sur lequel la Cour ne se prononce pas en détail.

Sources : CA Rennes, 1er octobre 2024, n°23/02179 ; CA Paris, 27 septembre 2024, n°22/11269