Dans un arrêt du 23 novembre 2022, la Cour de cassation se prononce sur l’interdiction faite à un steward d’adopter une coiffure pourtant autorisée aux femmes.
En l’espèce, un steward de la compagnie Air France s’était présenté en 2005 coiffé de tresses africaines nouées en chignon à l’embarquement, lequel lui est refusé par l’employeur au motif qu’une telle coiffure n’était pas autorisée par le manuel des règles de port de l’uniforme pour le personnel navigant commercial masculin. Une telle mise à l’écart le conduit à porter une perruque jusqu’en 2007. Estimant être victime de discrimination, il saisit en 2012 la juridiction prud’homale. Il est, par la suite, licencié pour inaptitude en raison du syndrome dépressif qu’il développe et qu’il a fait reconnaître comme maladie professionnelle. En cause d’appel, le salarié est débouté de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination, harcèlement moral et déloyauté. La Cour d’appel s’appuie sur le fait, d’une part, que le manuel litigieux n’instaurait aucune différence entre cheveux lisses, bouclés ou crépus et donc aucune différence entre l’origine des salariés et qu’il était seulement reproché au salarié sa coiffure, ce qui est sans rapport avec la nature de ses cheveux. Ils ajoutent, d’autre part, que si les tresses africaines nouées en chignon étaient autorisées pour le personnel féminin, l’existence de cette différence d’apparence, admise à une période donnée entre hommes et femmes en termes d’habillement, de coiffure, de chaussures et de maquillage, qui reprend les codes en usage et propres à l’uniforme commercial, ne pouvait être qualifiée de discrimination.
La Cour de cassation casse et annule la décision de la Cour d’appel et rappelle que les différences de traitement en raison du sexe doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle véritable et déterminante et être proportionnées au but recherché. La jurisprudence de la CJUE et les textes communautaires sont ici directement repris (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15). En interdisant ainsi au salarié de se présenter à l’embarquement avec une certaine coiffure, pourtant autorisée par le même référentiel pour le personnel féminin, l’entreprise discriminait l’intéressé non en raison de son origine mais bien en raison de son apparence physique en lien avec son sexe. L’apparence physique du salarié n’avait donc pas à être mise en lien avec l’uniforme ni avec l’image de marque de l’entreprise comme l’avait fait la Cour d’appel, mais bien en lien avec son sexe, seul critère véritable de différenciation ici. Or, faute de reposer sur une exigence professionnelle véritable et déterminante, cette différence de traitement n’était pas justifiée.
Cette jurisprudence, novatrice en ce qu’elle reprend directement les termes de la jurisprudence communautaire mais encore parce qu’elle se prononce sur « la perception sociale de l’apparence physique des genres » n’est pas sans rappeler une précédente décision du 11 janvier 2012 qui avait condamné une entreprise ayant licencié un chef de rang qui portait des boucles d’oreille au seul motif qu’il était un homme (Cass. Soc., 11 janv. 2012, n° 10-28.213). Petit à petit, la Cour de cassation se calque ainsi sur l’évolution sociétale, œuvrant à la nécessité d’aller au-delà de l’apparence physique ou du genre. A l’instar de Samson qui, perdant ses sept tresses et privé de sa force, ne perdit pas espoir et finit par obtenir justice pour ne pas dire vengeance, les employeurs sont aujourd’hui appelés à faire preuve de vigilance dès lors qu’une différence de traitement sera opérée en raison de cheveux et, plus généralement, de l’apparence.