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Internet et les enfants – Les parents-influenceurs dans le viseur du Législateur

16 novembre 2023 | Derriennic associés|

Le renforcement de la protection du droit à l’image des enfants en ligne, initiée par la loi du 19 octobre 2020, s’est avéré essentiel face à la tendance croissante à exposer excessivement les mineurs sur les réseaux sociaux, les exposant ainsi au jugement de tiers et aux risques de cyberharcèlement, voire dans le pire des cas, à une exploitation par des réseaux pédopornographiques. Nos avocats en droit du digital vous éclairent.

Cette réalité a récemment été ravivée par les affaires impliquant :

  • L’influenceuse « Poupette Kenza » à l’encontre de laquelle une enquête pénale a été ouverte à la suite de signalements de faits supposés de maltraitance envers ses deux enfants en bas âge qu’elle expose excessivement sur les réseaux sociaux.
  • Les parents de Swan et Néo interpellés pour des infractions tierces, des suspicions d’exploitation de leurs enfants, qui étaient tous deux mineurs au début de la production de leurs premiers contenus, ont émergé. Les parents ont été accusés d’exploiter leurs enfants en les forçant à faire des vidéos, une allégation que l’aîné a par ailleurs réfutée.

UN PRECEDANT PROTECTEUR : LE 19 OCTOBRE 2020, LA LOI N°2020-1266

Cette loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, est venue combler un vide juridique car rien n’était prévu jusqu’alors pour protéger spécifiquement ce type d’exploitation du travail des mineurs, et leur ouvrir également un droit à l’oubli numérique qu’ils pourront exercer seuls sans leurs parents.

Nous avons déjà évoqué cette volonté de mettre les mineurs à l’abri du « coup de grisou numérique », bien avant la publication du décret d’application n°2022-727 du 28 avril 2022 régissant l’encadrement de l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

LA SUREXPOSITION DES MINEURS DE 13 ANS SUR INTERNET IMPUTABLE A LEURS PARENTS

Actuellement, et en dépit de la législation précitée, d’après une étude du Children’s Commissioner for England, autorité administrative indépendante britannique il apparaît qu’en moyenne un enfant apparaît sur 1 300 photographies publiées en ligne avant l’âge de 13 ans sur ses comptes propres, ceux de ses parents ou de ses proches.

Ces apparitions surviennent en moyenne 2 ans avant l’âge de 15 ans à partir duquel un mineur est considéré comme un « majeur numérique » et peut s’inscrire seul sur un réseau social ou consentir sans avis parental au traitement de ses données à caractère personnel..

Ainsi, on désigne par « sharenting » le partage excessif par des parents de la vie leurs enfants sur internet. Cette pratique constitue aujourd’hui l’un des principaux risques d’atteinte à la vie privée des mineurs.  Cette situation découle du comportement des détenteurs de l’autorité parentale, et donc en premier lieu les parents, qui sont à la fois protecteurs et gestionnaires du droit à l’image de leurs enfants.

Des conflits surgissent souvent entre ces deux rôles, alimentés par des motivations financières, sociales ou émotionnelles liées à l’exploitation de la vie privée des enfants sur les plateformes sociales. L’appât du gain prend ainsi trop souvent le pas sur la protection de l’enfant.

LES PROPOSITIONS LEGISLATIVES FACE A LA SUREXPOSITIONS DES MINEURS EN LIGNE ET LES DERIVES QUI EN DECOULENT

L’Assemblée nationale, le 10 octobre 2023, a adopté la proposition de loi portant sur le respect du droit à l’image des enfants sur les réseaux sociaux.

Pour ce faire, il est envisagé de modifier les articles du code civil relatifs à l’autorité parentale en :

  • Introduisant dans l’article 371-1 du code civil la notion de vie privée dans la définition de l’autorité parentale ;
  • Rappelant l’exercice conjoint des parents du droit à l’image de l’enfant dans l’article 372-1 du code civil ;
  • Prévoyant que le juge peut se substituer aux parents en cas de désaccord à l’article 373-2-6 du code civil ;
  • Créant une délégation forcée de l’autorité parentale dans le cas où l’intérêt des parents va à l’encontre de celui de l’enfant et porte gravement atteinte à sa dignité ou à son intégrité morale (article 377 du code civil).

Le texte est toujours en cours de discussion.

LES INITIATIVES COMPLEMENTAIRES A LA REPONSE LEGISTATIVE DESTINEES A RENFORCER LA PROTECTION DES MINEURS

En marge de ce processus législative, le 20 octobre 2023 le Conseil national des barreaux (CNB) a lancé une campagne de communication à destination des enfants. Elle vise notamment à rappeler le rôle essentiel de l’avocat dans la défense des droits et intérêts des mineurs. La campagne s’axe autour d’un slogan : « Y’a pas d’âge pour avoir un avocat ».

Le CNB aspire également à sensibiliser les parents sur les difficultés de maîtriser la diffusion des images de mineurs et éventuellement d’autres données personnelles sensibles. Une fois mises en ligne, ces images peuvent être exploitées par des réseaux criminels. Près de la moitié des photos échangées sur les forums pédopornographiques ont été initialement publiées par les parents sur les réseaux sociaux.

Aux côtés de cette campagne du CNB, il convient également de mentionner les travaux de l’Observatoire de la Parentalité et de l’Education Numérique, première association entièrement dédiée à la parentalité numérique.

Celle-ci propose continuellement des interventions et formations afin de permettre à chacun de décrypter les pratiques et questionner sa posture pour accompagner les jeunes.