CONTACT

Le forfait ne condamne pas de fait le prestataire !

08 octobre 2020 | Derriennic Associés |

Tribunal de commerce de Paris, 17 septembre 2020, Répertoire général nº 2019057987

Dans le cadre d’un projet informatique complexe, même si le client allègue que le nombre de tickets d’anomalies est trop important, il n’est pas anormal, et le prestataire ne peut être tenu pour responsable d’un retard qui trouverait son origine dans un manquement du client à ses propres obligations.

Une société e-commerce contractualise en 2017 avec une société spécialisée dans l’intégration et l’infogérance de solutions informatiques en open source, aux fins de refonte de son site en ligne dans le cadre d’un forfait de 254K€. Une dérive sur la date de livraison apparaît et après mise en production le client se plaint d’anomalies et met fin au projet.

Le client assigne son prestataire en résolution judiciaire du contrat et demandant plus de 5M€ de restitutions et dommages et intérêts, considérant que la clause limitative de responsabilité serait inopérante. Il considère que le prestataire a manqué à certaines obligations essentielles ce qui s’est traduit par le non-respect du forfait et du délais initialement fixés, le manquement à son devoir de conseil et l’inexécution du contrat dans les règles de l’art. Il pointe notamment la mauvaise gestion du projet constatable par l’apparition de trop nombreuses anomalies.

Le prestataire considère que les retards et l’augmentation de budget sont imputables au client qui n’a notamment pas mobilisé les ressources nécessaires à la conduite des opérations de sa responsabilité, a été défaillant dans le pilotage des prestataires tiers dont la coordination lui incombait et a formulé de nombreuses demandes d’évolution qui ont alourdi le projet et allongé le calendrier.

Le tribunal de commerce va relever que la signature du contrat a été précédée par une présentation complète de la nature et la limite de l’intervention du prestataire qui ne portait pas la responsabilité de la coordination des différents systèmes ni l’animation des différentes sociétés fournisseurs, que le client avait fait le choix de ne pas s’adjoindre les services d’une société spécialisée en assistance à maitrise d’ouvrage, que, dans le cadre d’une implantation complexe et majeure pour son activité, elle prenait le risque de devoir être en mesure d’assurer des tâches complexes de nature informatique.

Les juges de première instance vont débouter le client de sa demande de résolution pour faute :

  • dans l’exécution du contrat au titre d’une mauvaise gestion de celui-ci. Pour le tribunal, le client est défaillant à prouver qu’au moment de la mise en production les dysfonctionnements n’étaient pas réparables dans le cadre de la garantie et que la conduite du projet avait été gravement fautive. Même si le client allègue que le nombre de tickets (plus de 500) est trop important, il n’est pas anormal dans un tel projet complexe, d’autant que la moitié a abouti à des évolutions acceptées et l’autre moitié était essentiellement résolue au moment du lancement en production ;
  • du fait d’un allongement fautif des délais. Le contrat prévoyait que le calendrier serait défini d’un commun accord entre les parties dans le cadre du Plan Qualité Projet, que si ce dernier indiquait une date de livraison en production, il est aussi très clairement prévu la possibilité d’un décalage, et le prestataire ne peut être tenu pour responsable d’un retard qui trouverait son origine dans un manquement du client à ses propres obligations. Les compte-rendu de comité de pilotage démontrent que les retards sont imputables soit à des délais de validation du client soit à des retards de partenaires fournisseurs du client.

Le client sera condamné à payer la facture de levée de la garantie qui n’a pu être effective du fait de l’interruption du projet causé par le client. Le prestataire sera cependant débouté de sa demande de paiement complémentaire d’une facture augmentant le montant du forfait, non acceptée par le client.