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Le prestataire IT doit mener les investigations techniques nécessaires avant de s’engager

15 juin 2023 | Derriennic associés|

Le prestataire informatique, à qui était confiée la conception d’une application et qui n’a pas sollicité de son client l’accès aux éléments techniques avant la rédaction de la proposition du contrat, a manqué à son devoir de conseil, en qualité de professionnel spécialiste de ces applications, son client n’ayant aucune compétence en cette matière pour connaître la possibilité de reprise ou non de l’application existante.

Une société ayant pour activité la prestation logistique qui disposait déjà d’une application informatique permettant à ses chauffeurs d’organiser leurs livraisons, a sollicité un prestataire de conseil en systèmes et logiciels informatiques pour concevoir une application de téléphonie mobile et internet permettant la gestion et le suivi des livraisons en cours cette fois par ses clients.

Rapidement après la signature du devis, les parties s’opposent sur la date de livraison de la première version de l’application, son caractère fonctionnel, les obligations réciproques des parties et leur exécution. Le client notifie la résolution du contrat et refuse de payer.

Le tribunal de commerce de Paris donne raison au prestataire et le client interjette appel. Au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1217 et 1224 du code civil, la cour va infirmer le jugement.

La cour analyse le cahier des charges rédigé par le prestataire après expression de ses besoins par le client ainsi que le contrat de prestations de conseil et gestion d’applications conclu, dont l’objet est de « conseiller, dessiner l’architecture et le design de l’application et gérer le développement informatique d’un livrable conformément à la méthode Agile », dans le cadre d’une obligation de moyens, une date de livraison étant indiquée.

Dès le démarrage du projet, le prestataire explique au client les difficultés rencontrées du fait que l’API (interface de programmation d’application) existante, créée pour une utilisation par des chauffeurs et non des clients, ne supporte aucun développement ni aucune modification. Pour les juges, l’analyse de la solution existante sur laquelle le prestataire comptait appuyer le développement commandé, lui incombait : en effet, la définition des besoins techniques pour réaliser les applications objets du contrat est à la charge du professionnel missionné à cette fin, le contrat s’intitulant d’ailleurs : « contrat de prestations de conseil ». Il appartenait donc au prestataire dans le cadre de son devoir de conseil, de mener les investigations nécessaires à la définition de ces besoins techniques, en collaboration avec le client certes, mais à sa charge, en qualité de spécialiste des solutions logicielles. Or, ni le cahier des charges rédigé par le prestataire, ni le contrat signé, ni les échanges, ne permettent de constater une analyse de l’API détenue par le client avant la proposition de solution logicielle par le prestataire, ni aucune investigation de sa part sur ce sujet lors de la proposition faite.

Les juges vont également faire le constat que la version 1 de l’application n’a pas été livrée à la date prévue, alors que le client avait plusieurs fois signalé cette échéance importante. De surcroit, le contenu livré consiste en un « outil temporaire » et le prestataire ne rapporte pas la preuve de la délivrance d’une « application fonctionnelle » comme prévu au contrat. Le prestataire ne justifie pas des travaux réalisés pour la version 2 plus aboutie et aucune recette n’a jamais été réalisée, alors que le prestataire ne rapporte ni la mauvaise foi du client ni aucun manquement à son obligation de coopération.

Ainsi, en raison de l’inexécution grave de deux de ses obligations par le prestataire, le client a légitimement pu provoquer la résolution du contrat et refuser de payer les factures présentées.

Pour les juges, le prestataire a néanmoins réalisé un travail dont le client n’établit pas qu’il n’aurait pas été repris par le nouveau prestataire pour finaliser l’application. En contrepartie du début d’exécution de l’application, et au regard du devis initial à hauteur de 21.000€, la cour déduira 5.000€ du remboursement dû par le prestataire.

Source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5, Chambre 11, Arrêt du 21 avril 2023, Répertoire général nº 21/00124