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Le salarié est-il totalement libre du choix de son domicile ? La cour d’appel de Versailles répond par la négative

15 avril 2022 | Derriennic Associés|

 

Par un arrêt du 10 mars 2022, la cour d’appel de Versailles admet la validité d’une restriction apportée au choix par le salarié de son domicile, fondée sur l’obligation « essentielle » de sécurité.

En l’espèce, un responsable support technique, travaillant pour une entreprise basée en région parisienne, a saisi le Conseil de prud’hommes après avoir été licencié en raison de son déménagement en Bretagne, un tel éloignement étant, selon l’employeur, incompatible avec son obligation de sécurité et les déplacements induits par l’activité du salarié.

Le salarié contestait son licenciement aux motifs que :

  • depuis son déménagement, il n’avait eu aucun retard et assumait lui-même les frais induits par son installation en Bretagne ;
  • il conservait un pied à terre en région parisienne en cas de besoin ;
  • son activité impliquait de très nombreux déplacements et ne nécessitait donc que très rarement sa présence au siège de l’entreprise situé en région parisienne.

Surtout, une telle mesure portait selon lui atteinte au libre choix de son domicile, garanti par l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Ces différents arguments n’ont toutefois pas convaincu les juges du fond qui, tant en première instance qu’en cause d’appel, considèrent justifié le licenciement dès lors que l’éloignement du salarié s’avérait incompatible avec :

  • L’obligation de santé sécurité, compte tenu de la distance excessive entre le nouveau domicile du salarié et le siège de l’entreprise auquel il était rattaché, cette situation entrainant un allongement significatif de ses trajets ;
  • L’obligation de l’employeur de veiller au respect des temps de repos et à l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle du salarié dans le cadre de sa convention de forfait en jours.

Les juges en ont déduit que l’atteinte portée au libre choix du domicile n’était pas disproportionnée « compte tenu de l’obligation essentielle de préservation de la santé et de la sécurité du salarié » et de ce fait, que le licenciement était justifié.

S’il ressort de cet arrêt que la liberté de choix par le salarié de son domicile n’est pas absolue, il convient toutefois de rappeler que les limites à cette liberté ne sont admises que de manière exceptionnelle par la jurisprudence.

En l’espèce, les juges ont pris le soin de souligner le caractère excessif de l’éloignement du domicile du salarié (environ 450 km du siège de l’entreprise) et le fait que le salarié, à l’appui d’une demande de rattachement à l’agence bretonne de la société, avait invoqué la fatigue générée par les trajets entre son nouveau domicile et le siège de l’entreprise, ce qui permettait de conforter la position de l’employeur.

La solution retenue dans cet arrêt doit donc être appliquée avec prudence : le risque d’atteinte à l’obligation de sécurité doit être réel pour justifier une limitation au libre choix par le salarié de son domicile. En définitive, la Bretagne, ça ne vous gagne pas toujours !

 

Source : CA Versailles, 10 mars 2022, n°20/02208