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L’échantillonnage : une valse à quatre temps périlleuse pour l’Urssaf

07 février 2023 | Derriennic associés|

Dans un arrêt rendu le 5 janvier 2023, la Cour de cassation rappelle que le contrôle par échantillonnage suit une procédure stricte en quatre étapes que l’URSSAF doit scrupuleusement suivre, sous peine de voir le redressement annulé.

En l’espèce et à la suite d’un redressement, l’URSSAF d’Aquitaine avait notifié à une entreprise une mise en demeure d’avoir à lui régler une somme de 468.555 €. Le redressement portait sur plusieurs chefs relatifs, notamment, aux frais professionnels des salariés. Estimant que l’URSSAF n’avait pas, pour ces derniers, respecté la procédure contradictoire prévue pour recourir au contrôle par échantillonnage, l’entreprise sollicitait l’annulation des chefs de redressement concernés. En principe, le contrôle URSSAF et le redressement qui s’ensuit se fait sur une base réelle résultant de l’examen de chaque pièce fournie par le cotisant. Afin toutefois de simplifier les opérations de contrôle lorsque celui-ci porte sur de très nombreuses données, l’URSSAF peut recourir à des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation. Cette méthode, prévue au code de la sécurité sociale (CSS, art. R.243-59-2) impose cependant à l’URSSAF de respecter quatre phases auxquelles l’employeur doit systématiquement être associé : la constitution d’une base de sondage (d’au moins 50 individus statistiques), le tirage d’un échantillon, la vérification exhaustive de l’échantillon puis, enfin, l’extrapolation à la population ayant servi de base à l’échantillon. Au cas d’espèce, le litige portait sur la 3ème phase et notamment sur le fait que l’employeur n’avait pas été informé, à l’issue de l’examen exhaustif des pièces justificatives, des résultats des vérifications effectuées sur chaque individu de l’échantillonnage.

En l’espèce, le Tribunal des affaires de sécurité sociale écarte cependant l’argument de l’entreprise au motif que l’URSSAF avait pu valablement régulariser la procédure en communiquant le 23 décembre 2013, soit 2 mois après l’envoi d’une première lettre d’observations, une seconde lettre d’observations annulant et remplaçant la première et comportant les résultats de l’analyse des pièces justificatives de chacun des échantillons. Procédé trop facile pour la Cour d’appel de Bordeaux qui infirme ce jugement et annule le redressement. L’URSSAF se pourvoit alors en cassation en faisant valoir que si la première lettre d’observations n’avait pas informé l’employeur des résultats, la seconde l’avait néanmoins informé et l’avait invité à faire ses remarques et observations avant l’issue de la procédure de contrôle. La question se posait donc de savoir si, dans le cadre de la procédure contradictoire prévue pour le contrôle par échantillonnage, l’URSSAF peut régulariser une information n’ayant pas été remise à l’employeur, dès lors que la procédure de contrôle n’est pas encore arrivée à terme.

La Cour de cassation tranche, sans surprise, de manière nette la question en donnant raison à l’employeur. Elle rappelle que dans le cadre de la procédure contradictoire, celui-ci est associé à chacune des quatre phases précitées. Elle relève ensuite que la lettre d’observations ne comportait aucune mention de la remise à l’employeur des résultats préalablement à la délivrance de cette lettre d’observations, estimant en outre que l’envoi d’une seconde lettre répondant au cotisant ne peut s’analyser en une nouvelle lettre d’observations. Elle en conclut dès lors que l’employeur n’avait pas été associé à la 3ème phase du contrôle, de sorte que ne respectant pas le principe de la contradiction, la procédure de contrôle s’avérait irrégulière. Il s’ensuit que les chefs de redressements concernés ne pouvaient qu’être annulés.

Cette jurisprudence n’est pas nouvelle (Cass. Civ. 2ème, 19 juin 2014, n° 13-19150). Elle rappelle néanmoins avec force et sagesse que les règles de procédure doivent scrupuleusement être suivies par l’URSSAF, laquelle ne peut espérer régulariser a posteriori le manquement commis. 

On ne saurait voir meilleur exemple de l’aphorisme déjà évoqué, qui nous rappelle que la procédure est sœur jumelle de liberté.

Source : Cass. Civ. 2ème, 5 janv. 2023, RG n°21-14.706