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L’intermédiaire de distribution étranger opérant à l’étranger peut être soumis au régime français de l’agent commercial

20 février 2023 | Derriennic associés|

Dans cet arrêt du 11 janvier 2023, la Chambre commerciale de la Cour de cassation réaffirme la conception extensive du statut français de l’agent commercial retenue dans la lignée de la jurisprudence européenne et précise son champ d’application matériel et temporel en appliquant ce statut à un agent établi et exerçant son activité hors de l’Union Européenne, et ayant démarré son activité avant l’adoption de cette conception extensive.

Au cas présent, une société française spécialisée dans le commerce de spiritueux a confié à une société canadienne, à compter de 2008 et par plusieurs contrats successifs, la mission de distribuer et promouvoir ses produits au Canada. Lorsque la société française a mis fin à la relation, l’intermédiaire canadien a sollicité le paiement de l’intégralité des commissions dues ainsi que l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 134-12 du Code de commerce.

Pour s’opposer à cette demande, la société française soutenait que le contrat serait un contrat de courtage et de prestations de services au motif, notamment, que le statut d’agent commercial serait incompatible avec le système d’importation et de distribution d’alcool existant au Canada.

Précisément, selon la société française, l’existence d’un monopole d’Etat de la distribution de l’alcool, exercé par l’intermédiaire des commissions des alcools de chaque province fédérale qui référencent les produits pouvant être commercialisés, limiterait le rôle de l’intermédiaire à la réponse à des appels d’offres desdites commissions, la négociation du référencement des produits et la promotion desdits produits auprès des clients finaux en vue de stimuler les ventes et d’éviter tout déréférencement, à l’exclusion du développement de clientèle et de la négociation des contrats de commercialisation, soit une mission de courtage en vue du référencement des produits, de conseil quant à la fixation des prix et de prestations de services de promotion et marketing des produits.

Débouté de sa demande de disqualification du statut d’agent commercial en première instance et en appel, la société française se pourvoit en cassation, faisant grief à la Cour d’appel de Paris d’avoir retenu la qualification d’agent commercial alors que l’activité commerciale est exercée sur un territoire situé en dehors de l’UE de sorte que les dispositions de la directive 86/653/CEE relative à la coordination des droits des États membres concernant les agents commerciaux indépendants, telles qu’interprétées par la Cour de justice de l’UE, ne seraient pas applicables au mandataire.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et approuve la Cour d’appel de Paris d’avoir appliqué le statut d’agent commercial, aux motifs que :

  • les parties avaient fait le choix de soumettre leurs contrats au droit français et, ce faisant, au statut français de l’agent commercial prévu par les articles L.134-1 du Code de commerce et suivants ;
  • l’analyse de la qualification du contrat litigieux devait donc s’opérer eu égard au statut français de l’agent commercial, défini par l’article L. 134-1 du Code de commerce interprété à la lumière de la jurisprudence française et européenne, puisqu’il résulte d’une transposition en droit français de la directive 86/653/CEE du Conseil du 18 décembre 1986, et, en l’occurrence, de l’arrêt « Trendsetteuse » de CJUE (4 juin 2020, aff. C 828/18) ;
  • selon ce référentiel, doit être qualifié d’agent commercial, le mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services ;
  • est indifférente la circonstance que l’agent commercial était, au cas présent, établi et exerçait son activité en dehors du territoire de l’Union européenne.

Ce faisant, la Cour de cassation réaffirme la conception extensive du statut français de l’agent commercial, adoptée en décembre 2020 par un revirement de jurisprudence consécutif à la jurisprudence européenne Trendsetteuse (cf. Cass. com., 2 décembre 2020, n° 18-20.231).

Surtout, elle précise les modalités spatio-temporelle de ce revirement de jurisprudence, puisqu’il est désormais acquis que ce nouveau statut français d’agent commercial est applicable :

  • quand bien même l’agent était établi et exerçait son activité en dehors du territoire de l’Union européenne ;
  • aux relations débutées antérieurement au revirement, dès lors que « la sécurité juridique ne consacre pas un droit acquis à une jurisprudence figée » de sorte que « lorsque les parties choisissent la loi française comme loi applicable, elles ne peuvent se prévaloir, en cas de litige postérieur, de la loi telle qu’interprétée à la date de conclusion du contrat ».

Lien vers la décision ici.