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Marchés publics entre pouvoirs adjudicateurs, « contrats à titre onéreux » : des précisions de la CJUE

03 août 2020 | Derriennic Associés|

CJUE, 28 mai 2020, aff. C-796/18, Informatikgesellschaft für Software-Entwicklung

Dans un arrêt rendu le 28 mai 2020, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) se prononce pour la première fois sur les conditions d’exclusion du champ d’application de la Directive 2014/24/UE sur la passation des marchés conclus exclusivement entre deux pouvoirs adjudicateurs.

Le litige opposait une entreprise spécialisée dans les logiciels et les services informatiques à la ville de Cologne, à la suite de l’acquisition par marché public par le Land de Berlin d’un logiciel de gestion des interventions des pompiers auprès de la société Sopra Steria Consulting GmbH.

Le Land de Berlin avait initialement acquis ce logiciel auprès d’une société privée, puis l’avait mis à disposition de la Ville de Cologne, gratuitement et de manière permanente.

Il a ainsi conclu deux contrats avec la ville de Cologne : l’un prévoyant une mise à disposition gratuite du logiciel au bénéfice de celle-ci, et l’autre une coopération afin de développer ledit logiciel.

Le premier contrat était assorti d’un accord de coopération signé le même jour prévoyant que les adaptations du logiciel ou les modules techniques complémentaires développés par l’un des partenaires devaient être proposés gratuitement à l’autre.

Le tribunal régional supérieur de Düsseldorf, s’interrogeant sur la qualification et le régime juridique exact à retenir pour cette coopération entre deux pouvoirs adjudicateurs, a saisi la CJUE en interprétation de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics.

Dans cet arrêt, la Cour rappelle, tout d’abord, la définition du marché public posée à l’article 2, paragraphe 5 de la directive selon laquelle les marchés seraient « des contrats à titre onéreux ». Aussi, elle précise que l’accord de coopération en cause constitue un contrat à titre onéreux et, donc, un marché public, dès lors que la participation aux futurs développements est inévitable et implique le financement de modules complémentaires qui devront par la suite être mis gratuitement à la disposition de l’autre partenaire.

Elle ajoute ensuite, qu’un accord qui instaure une coopération entre pouvoirs adjudicateurs et porte sur des missions de service public est exclu du champ d’application de la directive, dès lors qu’il porte sur des activités accessoires qui contribuent à la réalisation effective desdits services publics.

Toutefois, la Cour indique que le principe d’égalité de traitement s’applique. L’accord ne peut donc avoir pour effet de placer l’entité privée auprès de laquelle le logiciel a été acquis et qui en assure la maintenance dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents. Il appartient au juge national de vérifier que la maintenance, l’adaptation ou le développement du logiciel font l’objet d’un marché public, que les candidats ont accès au code source du logiciel et que cet accès permet de s’assurer que les opérateurs économiques intéressés par la passation du marché concerné soient traités d’une manière transparente, égalitaire et non discriminatoire.

Ainsi, le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur met un logiciel à la disposition d’un autre pouvoir adjudicateur, en contrepartie d’une participation gratuite aux futurs développements dudit logiciel, constitue un marché public qui ne doit pas avoir pour effet de placer une entreprise privée dans une situation privilégiée par rapport à ses concurrents.