Nous l’avions annoncé lundi, la loi d’urgence sanitaire adoptée le 23 mars dernier par le Parlement a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi.
Edouard Philippe a souligné que le droit du travail est « aménagé temporairement pour permettre l’organisation d’une véritable économie de guerre».
Les six ordonnances impactant la matière sociale ont été publiées aujourd’hui, 26 mars 2020, ainsi que le décret relatif à l’activité partielle.
Nous n’évoquerons pas ici celles relatives à la prolongation des droits sociaux, à la garantie de financement des établissements de santé et aux régimes complémentaires obligatoires de sécurité sociale, aux mesures d’urgence en matière de revenus de remplacement (Pôle Emploi) ainsi qu’aux durées de validité des documents de séjour.
I. La refonte de l’indemnisation de l’activité partielle
Le Décret n° 2020-325 du 25 mars 2020 relatif à l’activité partielle comprend 3 articles.
En premier lieu, il est confirmé que l’avis consultatif du CSE pourra être recueilli postérieurement à la demande d’activité partielle, et transmis dans un délai d’au plus deux moisà compter de cette demande.
S’agissant de cette dernière, un délai de 30 jours à compter du placement des salariés en activité partielle est accordé à l’employeur pour adresser sa demande d’activité partielle, par tout moyen donnant date certaine à sa réception. Ce délai n’est aménagé, à titre exceptionnel, que pour les deux hypothèses que sont la suspension d’activité due à un sinistre et en cas de circonstance de caractère exceptionnel. Toutes les conséquences pratiques du Covid-19 sur l’activité de l’entreprise sont donc couvertes. Il est enfin prévu que, jusqu’au 31 décembre 2020, le délai imparti à la Direccte au terme duquel le silence vaut acceptation implicite de la demande préalable d’autorisation d’activité partielle est ramené à deux jours.
Concernant les salariés au forfait annuel en jours, qui se voyaient exclus du dispositif dès lors que la demande de chômage partiel concernait une réduction d’horaire, l’alinéa 2 de l’article R.5122-8 qui prévoyait cette exclusion est purement et simplement supprimé. Il s’ensuit que les Direccte devront désormais admettre tous les salariés, y compris ceux au forfait annuel en jours. Il est précisé qu’est alors prise en compte la durée légale correspondant aux jours de fermeture de l’établissement ou, nouveauté, correspondant aux jours de réduction de l’horaire de travail pratiquée dans l’établissement, à due proportion de cette réduction.
L’article R.5122-9 nouveau prévoit désormais un délai d’autorisation du chômage partiel de 12 mois et non plus 6 mois.
Les nouveaux articles R. 5122-12 et D.512213 entérinent le montant annoncé de l’allocation de chômage partiel, à hauteur de 70 % de la rémunération brute (ou 84 % nette)limitée à 4,5 fois le taux horaire du SMIC. Précision est faite que ce taux horaire ne peut être inférieur à 8,03 euros.
Il est enfin précisé que l’ensemble de ces dispositions s’appliquent aux demandes adressées à compter de la date de publication dudit décret, donc à partir du 26 mars 2020, au titre du placement en position d’activité partielle de salariés depuis le 1ermars 2020.
II. L’ordonnance n°2020-323 relative aux mesures d’urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos
Le 1erarticle instaure la possibilité qu’un accord d’entreprise, ou, à défaut, un accord de branche puisse déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur est autorisé :
- dans la limite de six jours de congés et sous réserve de respecter un délai de prévenance au minimum d’un jour franc, à décider de la prisede jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris,
- à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés.
L’accord mentionné au premier alinéa peut autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salariéet à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjointsou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise.
La période de congés imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
S’agissant des JRTT, des jours de repos conventionnels ou encore des jours de repos fixés pour le salarié en forfait jours, l’employeur peut, lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du Covid-19, sous réserve de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc :
- Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ;
- Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos.
Là encore, la période de prise de jours de repos imposée ou modifiée ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020.
De la même manière, l’employeur peut imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps (CET) du salarié soient utilisés par la prise de jours de repos, dont il détermine les dates en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc, la période ne pouvant à nouveau s’étendre au-delà du 31 décembre 2020
Le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut être supérieur à dix.
L’article 6 de l’ordonnance prévoit ensuite des dérogations aux durées maximales de travail pour les secteurs d’activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale comme suit :
- La durée quotidienne maximale peut être portée à douze heures ;
- La durée quotidienne maximale de travail de nuit peut être portée à douze heures, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur ;
- La durée du repos quotidien peut être réduite à neuf heures consécutives, sous réserve de l’attribution d’un repos compensateur ;
- La durée hebdomadaire maximale peut être portée jusqu’à soixante heures ;
- La durée hebdomadaire de travail calculée sur une période quelconque de douze semaines consécutives peut être portée jusqu’à quarante-huit heures ;
- La durée hebdomadaire de travail du travailleur de nuit calculée sur une période de douze semaines consécutives peut être portée jusqu’à quarante-quatre heures.
De la même manière, ces entreprises, ainsi que celles nécessaires à ces premières, peuvent déroger au repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement
Il est à noter qu’un décret précisera, pour chacun des secteurs d’activité mentionnés, les catégories de dérogations admises parmi celles énumérées au présent article.
L’employeur qui use d’au moins une de ces dérogations en informe sans délai et par tout moyen le CSE ainsi que le DIRECCTE. Les dérogations mises en œuvre sur le fondement de cet article cessent de produire leurs effets au 31 décembre 2020.
III. L’ordonnance n°2020-322 du 25 mars 2020 relative à l’indemnité complémentaire prévue à l’article L 1226-1 du Code du travail ainsi qu’à l’intéressement et à la participation
En premier lieu, il est prévu que, jusqu’au 31 août 2020, le complément employeur en cas de maladie est versé :
- Aux salariés qui bénéficient d’un arrêt de travail spécial Covid-19, sans que la condition d’ancienneté ni celles prévues aux 1° et 3° de l’article L.1226-1 (justificatif dans les 48 heures et traitement médical sur le territoire national) ne soient requises ;
- Il en est de même pour les salariés travaillant à domicile, aux salariés saisonniers, aux salariés intermittents et aux salariés temporaires, normalement exclus, cette exclusion ayant été ici levée ;
- Aux salariés en situation d’absence au travail justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident ordinaire, sans que la condition d’ancienneté prévue au premier alinéa de cet article ne soit requise et sans que l’exclusion des catégories de salariés mentionnées au cinquième alinéa du même article ne s’applique.
En second lieu, l’ordonnance prévoit un report possible du versement de la prime d’intéressement ou de participation jusqu’au31 décembre 2020.
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Enfin et à titre anecdotique, évoquons rapidement la teneur des ordonnances n°2020-312 et 2020-324, aux termes desquelles le gouvernement entend protéger le niveau de vie des chômeurs par les mesures suivantes (un décret sera publié demain, le 25 mars 2020) :
- Pour les chômeurs en fin de droit : prolongation des droits sur la base de la rémunération du mois de mars tant que durera la crise sanitaire ;
- Pour les intermittents du spectacle en fin de droit : reports des fins de droit jusqu’à la fin de la crise sanitaire ;
- Pour les intérimaires: bénéfice du chômage partiel jusqu’à la fin de leur mission qu’elle soit exercée ou non ;
- Pour les saisonniers: chômage partiel automatique jusqu’au 15 avril (et au-delà si leur contrat prévoyait une durée plus longue) même s’ils n’ont plus de travail ;
- Pour tous les chômeurs: la période de confinement sera neutralisée dans le calcul des droits pour ne pas les pénaliser les chômeurs.
En dehors des dispositions relatives aux dérogations en matière de durées maximales de travail, les entreprises disposent désormais, au regard de ces ordonnances, de l’arsenal afin d’atténuer le plus possible les effets du Covid-19 sur leur économie. D’abord, au moyen du système d’activité partielle. Ensuite, par la fixation unilatérale des dates de congés et jours de repos. Ces dispositions étant toutefois limitées en termes de jours, il n’est pas garanti que les effets soient suffisamment conséquents si le confinement devait perdurer au-delà du 31 mai 2020. Tablons que d’ici là, la courbe des contaminations se sera inversée.