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Nouveau coup d’arrêt aux experts-comptables désignés par le CSE

15 avril 2022 | Derriennic Associés|

 

Prenant fait et cause pour le CSE qui les désigne, les experts-comptables oublient parfois qu’ils ne disposent pas des pouvoirs les plus étendus pour exiger de l’entreprise qu’elle leur communique tous les documents qu’ils souhaiteraient. C’est ce que rappelle ici la Cour de cassation.

En l’espèce, le CSE d’une entreprise avait mandaté, à l’occasion de ses consultations sur la situation économique et financière de l’entreprise ainsi que sur la politique sociale, la société d’expertise Diagoris aux fins de l’assister pour rendre son avis. Contrairement au CSE qui n’a qu’un accès limité aux documents de l’entreprise, via la BDESE, l’expert désigné, lui, a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise. La loi lui impose d’ailleurs à ce titre une obligation de confidentialité quant aux documents qu’il recueille. Cependant et bien que calqués sur ceux du commissaire aux comptes, ses pouvoirs d’investigation ne sont pas absolus. Ainsi, dans l’espèce considérée, l’expert avait demandé à l’employeur de lui communiquer la base non nominative du personnel sur trois années avec matricule ou numéro de sécurité sociale, sexe, date de naissance, date d’entrée et de sortie, type de contrat, fonction, poste, qualification, salaires de base et primes. Aux termes d’un arrêt du 2 juillet 2020, la Cour d’appel de Paris a fait droit à la demande et a ordonné sous astreinte à l’entreprise de lui communiquer le document en question.

L’employeur se pourvoit en cassation au motif qu’en premier lieu, il ne peut en aucun cas être mis dans l’obligation de constituer une base de données du personnel à la demande de l’expert, peu important qu’il dispose des informations devant figurer dans cette base. En second lieu, l’employeur invoquait encore les articles 4 et 5 du RGPD, lesquels s’opposent à ce qu’un juge puisse ordonner à l’employeur de constituter et transmettre une base de données permettant d’identifier chacun des salariés sans s’assurer si ces informations sont indispensables à l’exercice de sa mission et si celle-ci ne peut être opérée par un autre moyen.

La Cour de cassation ne se prononce pas sur le moyen tiré du RGPD, ce qui pourrait laisser penser qu’il s’agit là d’un moyen utile à invoquer. Elle censure en revanche l’arrêt au titre du premier moyen, en rappelant le principe selon lequel l’expert-comptable ne peut pas exiger la production de documents n’existant pas et dont l’établissement n’est pas obligatoire pour l’entreprise. Dès lors que cette « base de données » n’existait pas dans l’entreprise, l’expert ne pouvait en exiger la production. Un tel rappel ne peut qu’être bénéfique, tant pour l’employeur que pour les élus : si ces derniers peuvent être légitimement assistés d’un expert, encore faut-il que celui-ci ne déborde pas le cadre de ses prérogatives en exigeant in abstracto tout document sans en avoir vérifié préalablement son existence.

 

Source : Cass. Soc., 9 mars 2022, n°20-18166