Mettant notamment en cause le caractère objectif des données retranscrites dans un compte rendu, un employé a contesté le traitement de ses données par un cabinet de consultants diligenté par son employeur, dans le cadre d’une restructuration.
La société CER Haute-Savoie, association de gestion et de comptabilité, a décidé, en 2015, de mutualiser son service informatique avec d’autres entités, au sein d’une société dénommée « Agil’it ».
La société Agil’it, ainsi nouvellement créée, a fait appel à un cabinet de consultants en vue de procéder à l’intégration des salariés et de leur proposer le poste le plus adapté.
Dans le cadre de sa mission, le cabinet de consultants a réalisé un entretien avec le personnel afin d’analyser le positionnement de chacun par rapport au projet de transfert de chaque contrat de travail.
Se fondant sur l’article L 1224-1 du Code du travail, la société Agil’it a proposé à l’un des comptables, employé par la société CER Haute-Savoie, un contrat de travail en qualité d’analyste programmeur. Estimant ne pas avoir les compétences pour exercer ces fonctions, il a refusé cette proposition, ainsi que plusieurs autres propositions de reclassement.
Le comptable a été convoqué à un entretien préalable en vue d’envisager son licenciement économique, puis a été licencié.
Il a saisi, sans succès, le conseil de prud’hommes d’Annecy qui a estimé que la procédure de transfert de contrat de travail était fondée, de même que la rupture dudit contrat.
C’est, dans ce contexte, que l’ex-comptable a interjeté appel de la décision.
Outre ses demandes tenant au licenciement en tant que tel, l’ex-comptable se prévalait de l’irrégularité du traitement de ses données personnelles dans le cadre de l’intervention du cabinet de consultants, dès lors qu’aucune information ne lui avait été communiquée préalablement au traitement de ses données personnelles par ce cabinet, notamment, en ce qui concerne la finalité de sa mission.
Par ailleurs, l’ex-comptable faisait valoir que le compte-rendu d’entretien contenait des mentions subjectives, puisqu’il était fait état de son état d’esprit et comportait la mention suivante : « M. X dit les choses de manière franche et honnête dans la mesure où cela sert ses intérêts », ce qui constituerait, selon lui, une évaluation subjective, contraire aux dispositions du RGPD.
Invoquant un « fichage illégal », il a demandé à la Cour d’appel de Chambéry une indemnisation à hauteur de 10.000 euros.
La juridiction du second degré a relevé que le RGPD n’était pas applicable au cas d’espèce, puisque l’entretien s’était tenu avant sa date d’entrée en application. Néanmoins, la Cour d’appel a fait application de l’article 32 de la loi « Informatique et libertés » (en vigueur au moment des faits), et a conclu :
« En l’espèce, aucune information n’a été donnée à M. X. Le document remis lors de la rencontre d’information du 24 octobre 2017 ne contient aucun élément d’information concernant le cabinet Accile, la finalité de sa mission. »
Pour la Cour, les informations recueillies se devaient également d’être objectives, c’est-à-dire uniquement en rapport avec les compétences professionnelles de l’ex-comptable et son positionnement professionnel. Or, le compte-rendu contenait « des appréciations purement subjectives sur son état d’esprit qui n’avaient pas à figurer dans ce rapport ».
Si la Cour a, in fine, estimé que le licenciement reposait bien sur une cause réelle et sérieuse, elle a néanmoins condamné la société Agil’it à payer au particulier la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour « fichage illégal ».
Référence de la décision : Cour d’appel de Chambéry, chambre sociale prud’hommes, 4 mai 2021, n° 20/00419
Lien vers la décision : https://bit.ly/3cXMw4l