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Régulation de l’espace numérique européen : les projets de Digital Services Act et Digital Market Act

15 mars 2021 | Derriennic Associés |

Le 15 décembre 2020, la Commission européenne a publié deux projets de règlements qui ont vocation à réguler l’espace numérique européen : le Digital Services Act (« DSA ») et le Digital Market Act (« DMA »).

Pour mémoire, le cadre juridique relatif aux services numériques est principalement gouverné par la directive 2000/31/UE du 8 juin 2000, qui apparaît désormais obsolète eu égard à l’essor des plateformes numériques.

Le DSA (le projet est accessible ici) et le DMA (le projet est accessible ici) ont pour objectif de doter l’Union européenne (« UE ») d’un nouveau cadre de responsabilité des grandes plateformes du numérique, à la fois dans leur dimension sociétale pour lutter contre la dissémination des contenus illicites ou « préjudiciables » (1) et, dans leur dimension économique et concurrentielle afin de garantir que les marchés numériques innovent, restent ouverts à la concurrence, et que les relations commerciales entre les grands acteurs et leurs partenaires commerciaux demeurent équilibrées et loyales (2).

  1. Le DSA

Le DSA vise encadrer le fonctionnement des plateformes, quelle que soit leur taille, afin de réguler les contenus publiés sur Internet.

Ainsi, le DSA a pour objectif de :

  • Améliorer la régulation des plateformes numériques ;
  • Renforcer l’encadrement normatif applicable aux activités des géants du numérique avec la proposition d’un nouveau paquet « services numériques » ; et
  • Renforcer la transparence et la responsabilité des intermédiaires dans la lutte contre les contenus illicites.

Le DSA s’applique à tous les intermédiaires en ligne offrant leurs services dans le marché unique, qu’ils soient établis dans l’UE ou à l’extérieur (proposant des services dans l’UE).

En particulier, le projet prévoit les mesures suivantes :

  • Desobligations de faire et de ne pas faire auxquelles les plateformes seront soumises ;
  • Lapossibilité pour les autorités des Etats membres et de la Commission d’auditer les acteurs ;
  • L’obligationpour chaque plateforme agissant sur le marché intérieur d’avoir un représentant légal en Europe ;
  • La désignation, par chaque Etat membre, d’une autorité de coordination pour la mise en œuvre du DSA.

En outre, le DSA est encore plus exigeant envers les grandes plateformes en ligne (i.e. les plateformes qui atteignent plus de 10% de 450 millions de consommateurs en Europe) puisqu’elles seront tenues de respecter davantage d’obligations (par exemple, évaluer chaque année les risques d’atteintes aux droits fondamentaux et informer les autorités compétences sur les mesures prises).

En cas de violation des obligations prévues par le DSA, les acteurs encourent des sanctions « graduées et proportionnées » au manquement constaté. A ce titre, le montant maximal de l’amende prononcée pourrait aller jusqu’à 6% du chiffre d’affaires annuel de l’acteur.

  1. Le DMA

Le DMA a pour objectif de réguler le comportement des plateformes sur le marché européen, notamment au regard du droit de la concurrence.

Ainsi, le DMA vise à mettre en place des conditions de concurrence équitables pour favoriser l’innovation, la croissance et la compétitivité tant à l’échelle européenne qu’à l’échelle mondiale.

Le DMA a pour ambition d’instaurer des codes de conduite / des règles concernant les comportements économiques et anticoncurrentiels, qualifiés de « dominants ». Il s’appliquera donc uniquement aux services de plateformes essentiels les plus exposés aux pratiques déloyales (moteurs de recherche, réseaux sociaux, intermédiation en ligne) qui seront qualifiés de « Gatekeeper ».

Seront qualifiés de Gatekeeper les acteurs remplissant 3 conditions cumulatives :

  • 1ère condition : avoir un impact significatif sur le marché intérieur (tel est le cas lorsque l’entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel dans l’Espace Economique Européen égal ou supérieur à 6,5 milliards d’euros au cours des trois derniers exercices, lorsque capitalisation boursière moyenne ou la juste valeur marchande équivalente de l’entreprise s’élève à au moins 65 milliards d’euros au cours du dernier exercice et, qu’elle fournit ses services dans au moins trois États membres) ;
  • 2ème condition : exploiter une plateforme qui constitue une passerelle importante pour les utilisateurs professionnels vers les utilisateurs finaux (tel est le cas lorsque l’entreprise comptabilise plus de 45 millions d’utilisateurs finaux actifs mensuels établis ou situés dans l’UE et plus de 10 000 utilisateurs commerciaux actifs annuels établis dans l’UE).
  • 3ème condition : jouir d’une position bien établie et durable dans ses activités ou être susceptible de jouir d’une telle position dans un avenir proche.

Le projet de DMA prévoit des obligations dites « ex ante » aux Gatekeeper, fondées sur 3 axes : (i) l’accès et la portabilité des données, (ii) l’interopérabilité des services et, (iii) l’interdiction de faire jouer une « auto-préférence » (i.e. la mise en avant de leurs propres services par rapport aux services de tiers utilisant les services de la plateforme).

En cas de violation des obligations prévues par le DMA, la Commission européenne pourra infliger aux Gatekeeper des amendes n’excédant pas 10 % de leur chiffre d’affaires total de l’exercice précédent.

Par ailleurs, les infractions continues pourront donner lieu à des amendes payables de manière périodique, avec des paiements pouvant aller jusqu’à 5% du chiffre d’affaires quotidien moyen de l’exercice précédent.

A noter que la Commission peut imposer toute mesure corrective comportementale ou structurelle proportionnée à l’infraction commise : les mesures structurelles pourront aller jusqu’à imposer la cession d’une activité.

Attention, il s’agit de projets de règlement : des discussions au niveau européen sont à prévoir pendant 2 ans, pouvant entrainer des modifications de ces projets.

DSA

DMA