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Un arrêté du 7 août 2020 précise la procédure d’expertise et de certification des experts habilités du CSE en matière de santé et de sécurité

24 septembre 2020 | Derriennic Associés |

Arr. min., 7 août 2020, JO 20 août

L’ordonnance Macron relative au CSE a remplacé l’agrément ministériel des experts CHSCT (devenus experts qualité du travail et de l’emploi) par une habilitation délivrée par un organisme certificateur.

Cette certification est délivrée par un organisme certificateur accrédité principalement par le Cofrac (C. trav., art. R. 2315-51). Un arrêté ministériel vient de fixer les modalités et conditions de certification des experts qualité du travail et de l’emploi, et précise les missions et obligations de l’expert, tout en proposant  une méthodologie d’expertise.

  • Missions et organisation de « l’organisme expert »

Rappelons que le CSE peut faire appel à un expert habilité dans trois cas, prévus à l’article R. 2315-94 :

  1. Risque grave, identifié et actuel ;
  2. Introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  3. Préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle dans les entreprises d’au moins 300 salariés.

L’arrêté précise que l’expertise a pour objet d’éclairer les membres du CSE en leur apportant une information claire, précise et impartiale, en établissant un diagnostic et en présentant des propositions d’actions et des solutions concrètes sur la base de celui-ci. Le cas échéant, elle intègre une vision globale de la santé au travail en tenant compte, notamment, des questions liées à l’organisation et à la finalité du travail, au rôle de l’encadrement et à la politique de prévention des risques professionnels menée par l’employeur.

L’expertise a pour objet d’apporter aux membres du CSE des éléments d’information lisibles et objectifs leur permettant de formuler un avis éclairé. A cette fin, elle favorise les échanges entre l’employeur et les membres du CSE et réduit l’asymétrie des connaissances au sein du CSE.

  • Nature et objet de l’expertise

« L’expert habilité » ou encore « expert qualité du travail et de l’emploi », est désigné par l’expression « organisme expert » dans l’arrêté.

Aux termes de l’arrêtés, l’expertise contribue en particulier à :

a. Analyser les situations de travail ;

b. Évaluer les risques professionnels et, le cas échéant, les événements accidentels ;

c. Évaluer les incidences, pour les travailleurs, de la mise en place d’un projet important ou de l’introduction d’une nouvelle technologie ;

d. Identifier les opportunités qui permettraient, notamment, d’améliorer les conditions de travail et d’emploi, l’organisation, la santé au travail et la prévention des risques professionnels ;

e. Formuler des recommandations en la matière ;

f. Restituer sous forme écrite et orale au CSE les conclusions de l’expertise en apportant, notamment la démonstration du diagnostic et des recommandations formulées.

g. Remarque : il est précisé que concernant l’expertise dans le cadre de la préparation de la négociation sur l’égalité professionnelle, celle-ci s’appuie notamment sur l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

 

  • Méthodologie d’expertise

L’annexe 3 de l’arrêté propose une méthodologie d’expertise.

Le point de départ de l’expertise est une délibération du CSE décidant de recourir à une expertise et désignant un organisme expert certifié. Le processus d’expertise tient compte de la nécessaire adaptation de l’expertise aux situations et de la capacité d’innovation et de différenciation des organismes experts.

L’organisme expert certifié est tenu à une position de tiers et n’est donc pas partie prenante des divergences naturelles qui peuvent s’exprimer au sein d’un CSE. Cela implique une position d’objectivité à toutes les étapes de sa mission.

Le processus type d’une expertise se décline généralement selon les trois étapes suivantes incluant des dispositions de gestion des aléas, des incidents et des évolutions

1. Proposition : l’organisme expert certifié explicite les objectifs poursuivis, les méthodes utilisées, les résultats attendus et les compétences mobilisées et est attentif à la communication de ces éléments au CSE demandeur. L’organisme expert certifié est transparent sur les méthodes utilisées, leurs intérêts et leurs limites. Il a un devoir de pédagogie et d’information auprès du CSE.

2. Convention, lettre de mission ou toute autre forme contractuelle, qui précisent notamment :

a) Le contexte de l’intervention ;

b) L’analyse de la demande ou l’évaluation de la ou des questions posées ;

c) Le choix des méthodes d’intervention appropriées ;

d) La sélection par l’organisme expert certifié du ou des sous-traitants pressentis ayant les compétences adéquates ;

e) Les modalités de suivi de mission par le CSE;

f) Le montant estimatif des honoraires.

3. Réalisation d’actions spécifiques à l’expertise demandée

a) Les données recueillies font l’objet d’une analyse critique, qu’elles proviennent de l’entreprise ou qu’elles soient directement recueillies par l’organisme expert certifié, notamment sur site ;

b) Le diagnostic réalisé s’abstient de tout jugement de valeur et ne s’appuie, quelle que soit la méthode, que sur des données factuelles (questionnaires, documentations de l’entreprise, entretiens, observations des situations de travail, mesures d’ambiance, prélèvements…) ;

c) L’organisme expert certifié s’inscrit de manière systématique dans le cadre d’un devoir de conseil auprès des membres du CSE et en particulier dans un but de prévention primaire des atteintes à la santé et d’amélioration des conditions de travail ou du traitement des inégalités professionnelles ;

d) Dans le cas particulier d’une expertise menée dans le cadre d’une consultation sur un projet soumis au CSE, l’organisme expert certifié met en œuvre les moyens permettant aux membres du CSE de rendre un avis motivé et de faire des propositions.

4. Clôture, incluant :

a) La restitution des travaux par la fourniture au CSE des conclusions de l’expertise ;

b) Les conclusions de l’expertise sont présentées aux membres du CSE lors d’une réunion préparatoire, puis débattues en réunion plénière de l’institution ;

c) Le cas échéant, une restitution supplémentaire, pouvant être présentée aux salariés concernés par l’expertise sous une forme à déterminer ;

d) Un bilan de la mission, intégrant notamment évaluation et capitalisation.

  • Obligations de l’organisme expert – Déontologie

L’organisme expert certifié :

a) Justifie de son statut juridique et d’une assurance destinée à couvrir sa responsabilité ;

b) Dispose des moyens organisationnels, humains et matériels permettant de réaliser ses missions d’expertise ;

c) Conduit ses expertises selon les règles de déontologie professionnelle fixées à l’annexe 2 de l’arrêté, notamment en matière de confidentialité, de responsabilité et d’indépendance ;

d) Ne propose pas, à l’issue de l’expertise, des prestations en rapport avec les conclusions de celles-ci.

L’annexe 2 détaille la « déontologie des organismes experts ». L’organisme expert certifié est tenu de respecter les principes déontologiques encadrant ses pratiques professionnelles d’expertise et est responsable du respect de ces principes par les sous-traitants auxquels il fait appel.

Ces principes constituent un ensemble de droits et devoirs qui régissent ses actes dans sa relation avec les diverses parties prenantes aux expertises :

  • Confidentialité (rapport réservé aux membres du CSE, mais aussi respect du secret professionnel, dont par ses sous-traitants),
  • Responsabilité (missions uniquement dans son domaine de compétence, vérification de la compétence de ses sous-traitants, responsabilité des méthodes et techniques employées),
  • Indépendance et respect des conflits d’intérêt (loyauté avec le CSE et indépendance vis-à-vis de l’employeur).

 

  • Chargés de projet et sous-traitants

Le responsable de l’organisme expert certifié identifie au sein de l’organisme le ou les chargés de projet à qui sera confiée la gestion des expertises conduites. Il communique à l’organisme certificateur la liste des chargés de projet et précise pour chacun, au titre duquel ou desquels domaines d’expertise il intervient.

Le responsable de l’organisme expert certifié désigne, pour chaque expertise engagée, un chargé de projet. Il formalise cette désignation et en informe le CSE.

Le chargé de projet :

  • soit est titulaire d’un diplôme d’ingénieur, d’un diplôme sanctionnant au moins cinq ans d’études supérieures dans les domaines de la santé, de la sécurité ou de l’organisation du travail, ou dans une matière relevant des sciences humaines et sociales et liée au travail ;
  • soit justifie d’une expérience professionnelle d’au moins 5 années au sein d’une structure agréée ou certifiée ou dans le domaine de la gestion des ressources humaines ou du droit du travail.

Le chargé de projet est l’intermédiaire entre le CSE et l’organisme expert. Il doit être en mesure, notamment, d’appréhender les aspects techniques de l’expertise, d’organiser le travail de l’équipe durant l’expertise, de vérifier la pertinence des travaux de son équipe et des sous-traitants et de restituer le résultat de l’expertise au CSE.

Il est également possible de recourir à des sous-traitants qui disposent des compétences ou de la même expérience que celle exigée d’un chargé de projet (voir ci-dessus). La liste de ces sous-traitants est communiquée à l’organisme certificateur.

  • Certification des experts

La certification est délivrée à un expert ainsi habilité à mettre en œuvre et à tenir à jour un système de management de la qualité lui permettant de conduire les expertises.

La certification a pour objet d’attester que l’organisme expert dispose des compétences nécessaires pour répondre à la demande d’expertise formulée par le CSE. A cet égard, l’arrêté donne des précisions sur les « chargés de projet » des organismes experts.

Les organismes experts auxquels le CSE peut faire appel sont certifiés pour au moins l’un des domaines suivants :

  • Organisation du travail, dont les équipements de travail ;
  • Environnement de travail, y compris les expositions chimiques, physiques et biologiques ;
  • Egalité professionnelle.

L’arrêté détaille d’une part les modalités d’accréditation des organismes certificateurs et les modalités de certification de l’organisme expert. L’annexe 4 définit cette procédure de certification, et notamment prévoit des audits de certification.

Un certificat atteste que l’organisme expert est certifié en précisant le ou les domaines d’expertises octroyés. La certification a une durée de 5 ans maximum avec une surveillance via des audits annuels sur site. Un audit de renouvellement de la certification est planifié et effectué en temps utile pour organiser le renouvellement avant la date d’expiration du certificat.

Chaque audit permet de vérifier la maîtrise opérationnelle consistant en une bonne application des procédures, et contrôle notamment, la méthodologie (annexe 3 de l’arrêté), le respect de la déontologie (article 3 et annexe 2) et le bilan annuel établi par l’organisme expert (article 9 et annexe 5).