CONTACT

Une responsabilité indirecte des plateformes en ligne pour les contenus illicites qu’elles hébergent ?

04 août 2020 | Derriennic Associés|

Conclusions de l’avocat général du 16 juillet 2020 (affaires jointes C-682/18,C-683/18)

L’avocat général SAUGMANDSGAARD ØE a invité la CJUE à juger que ces plateformes (telles que YouTube) ne sont pas directement responsables de la mise en ligne illégale d’œuvres protégées par les utilisateurs.

Pour rappel, la directive 2019/790 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans le marché unique numérique a créé un régime spécifique pour ces acteurs, lesquels doivent obtenir une autorisation des titulaires des droits d’auteur pour les œuvres mises en ligne par les utilisateurs sur leur plateforme. Cette directive doit être transposée par les Etats membres d’ici le 7 janvier prochain. De nombreux cas ne sont ainsi pas, à ce jour, soumis à ce nouveau régime de responsabilité.

A l’occasion de deux litiges distincts relativement à la mise en ligne de contenus illicites sur la plateforme Youtube, d’une part, et la plateforme, Uploaded, d’autre part, la CJUE a ainsi été interrogée sur la responsabilité de ces plateformes à la lumière des directives alors applicables : la directive 2001/29 sur l’harmonisation  de certains aspects des droits d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle et la directive 2000/31 sur le commerce électronique.

L’avocat général a donc pris position en considérant que ces plateformes ne peuvent être directement responsables d’une telle mise en ligne dans la mesure où :

  • elles n’effectuent pas elles-mêmes un « acte de communication au public » au sens de la directive 2001/29, droit exclusif appartenant aux auteurs desdits contenus, mais fournissent des installations permettant aux utilisateurs de réaliser un tel acte (rôle par principe d’intermédiaire) ; étant précisé que cette directive n’a pas vocation à régler la responsabilité « secondaire », à savoir celles des personnes facilitant la réalisation par un tiers d’un tel acte illicite, qui relèverait du droit national ;
  • elles pourraient par principe bénéficier du régime exonératoire de responsabilité de la directive 200/31 : pas de responsabilité des informations qu’elles stockent sauf si après avoir pris connaissance ou eu conscience de leur caractère illicite, elles n’ont pas agi promptement pour les retirées ou les rendre inaccessibles.

Par ailleurs, l’avocat général propose à la CJUE de juger que « indépendamment de la question de la responsabilité les titulaires de droits peuvent obtenir, en vertu du droit de l’Union, des injonctions judiciaires à l’encontre des exploitants de plateformes en ligne, susceptibles de leur imposer des obligations » « dès lors qu’il est établi que des tiers portent atteinte à leurs droits, via le service des exploitants de plateformes, sans devoir attendre qu’il y ait eu récidive et sans avoir à démontrer un comportement fautif de l’intermédiaire » (cf. Communiqué de presse n°96/20 du 16 juillet 2020 de la CJUE).

Si ces conclusions ne lient pas la CJUE, elles dessinent des tendances qui sont généralement suivies. La position de la Cour est donc particulièrement attendue afin de clarifier la responsabilité des plateformes en ligne soumises au régime « actuel » avant la transposition de la directive 2019/790.