Cour d’appel d’Angers, Chambre commerciale A, Arrêt du 31 août 2021, Répertoire général nº 20/00511
Le vendeur doit se renseigner sur les contraintes et performances attendues par le client afin de pouvoir conseiller utilement celui-ci et de manière personnalisée, en lui proposant un produit adapté, attirer particulièrement son attention sur les risques liés à l’achat, afin de lui permettre de faire un choix technique et économique éclairé.
Une exploitation agricole commande des robots de traite équipés de logiciels.
Le contrat prévoit la livraison, l’installation et la mise en service, ainsi qu’une assistance technique. Le procès-verbal de réception définitive est signé et, après la garantie contractuelle, un contrat service et de maintenance est conclu.
Le client se prévaut de l’existence de dysfonctionnements multiples à l’origine de difficultés telles, qu’il doit mettre à l’arrêt le matériel acquis. Après expertise judiciaire, le client fait assigner le franchisé, le franchiseur et le constructeur devant le Tribunal de commerce, aux fins de voir prononcer la résolution ou à défaut la nullité des contrats de vente, condamner solidairement les défenderesses à restituer les sommes versées et à payer des dommages et intérêts en réparation de ses préjudices.
La Cour d’appel d’Angers, qui statue sur renvoi après un premier arrêt d’appel sanctionné par la Cour de cassation, va écarter successivement les griefs du client relatifs (i) au manquement à l’obligation de délivrance, (ii) à la garantie des vices cachés, (iii) à la garantie d’éviction mais va retenir (iv) au manquement à l’obligation d’information et de conseil.
L’arrêt particulièrement motivé permet de rappeler quelques principes essentiels en matière de contentieux dans le domaine des nouvelles technologies :
- Le vendeur a l’obligation de délivrer à l’acquéreur une chose en tous points conformes aux caractéristiques et spécifications convenues par les parties. La réception sans réserve par l’acquéreur de la chose vendue, lui interdit de se prévaloir des défauts de conformité apparents.
- Il ne suffit pas d’établir que le système n’a pas fonctionné correctement pendant les années où il a été utilisé, encore faut-il établir que les problèmes de fonctionnement du système sont dus à des vices existants au moment de la vente, demeurés cachés, et dont la gravité est telle qu’ils ne permettent pas aux équipements de remplir leur fonction.
- Le vendeur doit garantir l’acquéreur de l’éviction et s’abstenir de tout acte qui porterait atteinte aux prérogatives dont l’acquéreur est investi. Dans la mesure où le client ne règle plus la redevance de licence, il ne saurait être reproché au vendeur qui exerce un droit en désinstallant le logiciel, de ne pas exécuter l’obligation de garantie.
- Le vendeur professionnel a une obligation d’information et de conseil qui lui impose notamment de se renseigner sur les besoins de l’acheteur et de l’informer notamment des contraintes techniques de la chose vendue et de son aptitude à atteindre le but recherché.
C’est sur ce dernier point que la cour développe une argumentation particulièrement notable. Elle relève notamment que :
- l’obligation d’information et de conseil du vendeur est d’autant plus essentielle qu’il ne s’agit pas d’un banal achat d’équipement de l’entreprise, mais d’une décision importante pour la gestion future, représentant un investissement conséquent ;
- La technicité particulièrement complexe d’un robot ne permet pas de considérer l’acheteur comme un professionnel de ce type d’équipement alors que son installateur l’était ;
- Si, aux termes du contrat de vente, le client a reconnu être informé, le vendeur professionnel ne pouvait se contenter de délivrer à son client une information commerciale et renvoyer celui-ci à se déterminer à partir de la seule lecture de la documentation, mais devait préalablement se renseigner sur toutes les caractéristiques de l’exploitation et les performances attendues par le client afin de pouvoir conseiller utilement celui-ci et de manière personnalisée, en lui proposant un produit adapté à ses contraintes existantes ;
- Si le vendeur constatait que les attentes du client ne pouvaient pas être atteintes ou si l’équipement demandé ne lui apparaissait pas adapté, il appartenait au vendeur d’attirer particulièrement l’attention de son client sur ce point en émettant des réserves, afin de lui permettre de faire un choix technique et économique éclairé et de prendre, le cas échéant, des dispositions appropriées ;
- En l’espèce, le vendeur ne produit aucune étude préalable des conditions existantes de l’exploitation, de ses besoins et attentes et de ses contraintes irréductibles, de nature à le renseigner pour vérifier ainsi qu’il lui incombait en tant que vendeur professionnel, la compatibilité entre le matériel dont l’achat était envisagé et les contraintes et obligations de celui-ci.
Par conséquent, même si les robots vendus étaient susceptibles de fonctionner correctement après une longue période de transition et d’adaptation et moyennant un soutien du vendeur, le vendeur a manqué à son obligation précontractuelle d’information et de conseil, sans avoir spécialement attiré son attention sur les risques d’un tel achat.
Des conséquences importantes en ont découlé, puisque les dysfonctionnements relevant de problèmes de maintenance et de surveillance quotidienne de la part de l’utilisateur ont entraîné des préjudices, et ont conduit le client à prendre la décision d’arrêter les deux robots.
Compte tenu de la gravité du manquement, il sera fait droit à la demande de résolution des contrats de vente. Le vendeur sera ainsi condamné à rembourser au client le prix payé, le client étant tenu de restitué le matériel. Les demandes de remboursement de coûts complémentaires et autres réparations seront rejetées.