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Vers la mise en place d’un cadre juridique contraignant pour les influenceurs et le marketing d’influence

16 mars 2023 | Derriennic associés|

Entre 2020 et 2021, nous avions souligné les efforts déployés par le Législateur pour « mettre les influenceurs mineurs à l’abri du coup de grisou (numérique) ». A l’automne 2022, deux nouvelles propositions de loi tendant à encadrer le marché de l’influence ont été déposées à l’Assemblée Nationale, tandis que la DGCCRF publiait le 23 janvier 2023 dernier les résultants alarmants de son enquête sur le marketing d’influence. Nos avocats en droit du digital vous éclairent.

Des notions clefs : « influenceur » et « marketing d’influence »

Laconiquement, le Petit Robert considère les influenceurs comme des « personnes qui influencent l’opinion, la consommation sur les réseaux sociaux ».

L’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la Publicité) s’épanche davantage sur le sujet en évoquant des « individus exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui leur sont propres et que leur audience identifie ». L’ARRP place sous cette bannière les créateurs de contenus, blogueurs ou et autres vlogueurs professionnels.

Le marketing d’influence désigne l’ensemble des méthodes qui visent à utiliser le pouvoir de prescription ou de recommandation des influenceurs.

Une profession réglementée par un droit positif éparse

Il existe un agrégat de réglementations applicables aux influenceurs en fonction de leur sphère d’activité.

Ainsi, le droit des contrats et les spécificités liées à certaines professions comme celles d’artiste-interprète (contrat d’artiste, de distribution ou droits voisins du producteur), mannequin (contrat de travail) ou les contrats des acteurs ou sportifs de haut-niveau tient une place prépondérante.

Les droits de propriété intellectuelle et la sanction de leur violation au travers d’usages d’œuvres ou de reproductions de marques ou dessins et modèles sans autorisations jouent également un rôle majeur.

La responsabilité civile (reproduction de contenus ou concepts non protégés par des droits de propriété intellectuelle), le droit pénal (infractions de presse comme la diffamation et le dénigrement), le droit de la consommation (La loi pour la confiance dans l’économie numérique pour la responsabilité des éditeurs, la loi pour une république numérique pour les avis en ligne ou encore la sanction des pratiques commerciales trompeuses) encadrent également les activités des influenceurs.

On mentionnera également la loi n°2020-1266 du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de -16 ans sur les plateformes en ligne (sur ce point : Quand le législateur met les influenceurs mineurs à l’abri du coup de grisou (numérique)) et bien évidemment le RGPD comme autre réglementations clefs avant l’entrée en vigueur effective du Digital Services Act et du Digital Markets Act.

Des propositions de lois[1] déterminées à combler un « vide juridique »

Il a été exposé ci-avant qu’on peut difficilement affirmer qu’un vide juridique entoure l’activité des influenceurs. Toutefois, deux propositions de lois ont récemment été déposées à l’Assemblée Nationale pour combler ou compléter les lacunes du droit positif.

La proposition n°456 du 15 novembre 2022 : « visant à encadrer les pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence sur internet »:

Le texte propose une définition légale de l’influenceur et de l’agent d’influenceur en implémentant un seul d’audience défini par décret, duquel découleraient des obligations légales.

La proposition prévoir d’assimiler à un influenceur « toute personne physique ou morale qui détient, exploite ou anime, à titre professionnel ou non, une page ou un compte personnel accessible sur une plateforme en ligne et dont l’activité dépasse un seuil d’audience déterminé par décret, en vue du partage de contenus exprimant un point de vue ou donnant des conseils susceptibles d’influencer les habitudes de consommation ».

En lien avec le droit positif, l’influenceur sera présumé être éditeur au sens de la LCEN et directeur de publication au sens de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Les parlementaires prévoient également la création d’une obligation de « loyauté de l’influenceur » à l’image de la « loyauté des plateformes » née à l’occasion de la loi République Numérique du 7 octobre 2016.

Enfin, de nouvelles sanctions administratives et pénales sont prévues par le texte, de même que la création d’un dispositif de signalement des contenus relevant des pratiques commerciales interdites, agressives et trompeuses, ce qui rejoint l’article 26 du DSA.

Il est également prévu que le gouvernement publie un rapport sur l’application de la loi dans un délai de 6 mois suivant la publication du texte au Journal Officiel de la République.

La proposition n°672 du 27 décembre 2022 : « visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux » :

Cette proposition entend créer une nouvelle sous-section au sein du code de la consommation. Elle propose d’instaurer un statut d’influenceur encadrant la vente issue de contenus sponsorisés sur les réseaux sociaux.

Elle encadre les ventes par promotion des influenceurs en interdisant certains placements de produits sur les réseaux sociaux, en prévoyant que les placements de produits s’accompagnent de messages incrustés pendant toute la diffusion du post (cf. nouvelle oblig sur les pubs de voitures) ou encore en instaurant une obligation de mentionner si les produits proposés émanent d’un dropshipping.

Dans l’attente d’une loi, des réponses réglementaires…

Les résultats de l’enquête de la DGCCRF

Evoqué en préambule, les résultats de l’enquête de la DGCCRF mettent en lumière l’absence de respect de la règlementation applicable en matière de publicité et le droit de la consommation par la majeure partie de la soixantaine d’influenceurs ciblés depuis 2021.

La DGCCRF a principalement noté que les influenceurs s’abstenant de respecter les réglementations proposent des activités potentiellement dangereuses telles que des programmes de santé, des régimes minceurs, de la vente de cosmétiques, des activités de trading, de paris en ligne ou encore des opérations de promotions liées à la plateforme « Mon Compte Formation ».

La DGCCRF précise avoir procédé au lancement d’enquêtes approfondies qui, selon la gravité du ou des manquements relevés conduiront au prononcé de sanctions allant de l’avertissement à la transmission d’un procès-verbal d’infraction au procureur de la République.

Table ronde et conclusion d’une consultation publique de Bercy le 31 janvier

Par ailleurs, le 9 décembre 2022 s’est tenue table une ronde de l’influence à Bercy.

Cette rencontre a permis d’exposé les contours de la consultation prévue pour le début d’années 2023, invitant les citoyens à s’exprimer sur 11 mesures réparties en quatre thématiques liées aux influenceurs :

  • les droits et obligations des influenceurs,
  • la propriété intellectuelle,
  • la protection des consommateurs
  • la gouvernance du secteur.

Les Résultats de l’enquête attendus pour le printemps 2023 et l’annonce de résultats obtenus.


[1] « Proposition » car la volonté de réglementer émane de l’Assemblée et non du Gouvernement.