Depuis l’entrée en vigueur du décret du 10 mars 2021, les exploitants de services de transport en commun peuvent intégrer un traitement logiciel à leurs systèmes de caméras afin d’analyser et mesurer le taux de port de masque en temps réel.
La CNIL, dans sa délibération n°2020-136 (accessible ici) a émis un avis éclairant sur la question de l’utilisation de la vidéo intelligente et les risques qui y sont associés.
1. Le dispositif prévu par le décret : comment cela fonctionne ?
En application du décret, le dispositif de vidéo intelligente permet la collecte d’images par les caméras fixes situées dans les véhicules ou les espaces accessibles au public affectés au transport public de voyageurs.
Ces images, qui ne sont ni stockées ni transmises à des tiers, sont traitées et instantanément anonymisées afin d’établir le nombre de personnes détectées et le pourcentage de personnes s’acquittant de l’obligation du port du masque.
Ce décret qui s’applique pendant une durée d’un an, use de la faculté offerte par l’article 23 du RGPD pour limiter les droits d’accès, de rectification, d’opposition et droit à l’effacement des personnes concernées.
2. La mise en balance des intérêts en jeu
A titre liminaire, la CNIL rappelle que sa saisine intervient dans le contexte de l’épidémie de COVID-19, que le décret s’inscrit dans « l’action du gouvernement de lutte contre l’épidémie » et que la lutte contre l’épidémie de COVID-19 est un objectif à valeur constitutionnelle (OVC) de protection de la santé.
Elle admet ainsi l’existence d’atteintes (transitoires et sous certaines conditions) au droit de la protection de la vie privée et des données à caractère personnel.
Ceci étant dit, la CNIL indique que la mise en œuvre de ce dispositif pose de nombreuses questions en termes de protection de la vie privée. Elle rappelle ainsi que :
« L’espace public est un lieu où s’exercent de nombreuses libertés individuelles (droit à la vie privée, à la protection des données à caractère personnel, liberté d’aller et venir, liberté d’expression, etc.). La préservation de l’anonymat dans l’espace public est une dimension essentielle pour l’exercice de ces libertés ; la captation et l’analyse systématiques de l’image des personnes dans ces espaces sont incontestablement porteuses de risques pour leurs droits et libertés fondamentaux ».
3. Les finalités du dispositif validées
La Commission indique que les finalités du dispositif – « évaluation statistique » et « adaptation des actions d’information et de sensibilisation du public » – sont déterminées, explicites et légitimes, l’objectif étant de « diffuser des messages d’annonce types et non ciblés dans les lieux ou serait constaté un taux moyen de port du masque insuffisant » et non afin d’identifier des personnes ou de faciliter la poursuite des infractions à la réglementation relative au port du masque.
4. La limitation de la durée d’application du décret
Enfin, la CNIL estime que l’application limitée à 1 an du décret est « nécessaire » eu égard à la « nature potentiellement intrusive du dispositif et à la dérogation forte au droit d’opposition des personnes concernées ».
Ce dispositif se retrouvera par définition sans objet dès que la réglementation n’imposera plus le port du masque, c’est la raison pour laquelle la CNIL indique que son impact sur la stratégie sanitaire devra être évalué et documenté de manière régulière afin de pouvoir évaluer son efficacité et sa pertinence.
Lien vers la délibération :
https://www.cnil.fr/fr/avis-sur-le-decret-video-intelligente-port-du-masque
Lien vers le décret :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043235679
Sources :
Délibération n°2020-136 du 17 décembre 2020 portant avis sur un projet de décret relatif au recours à la vidéo intelligente pour mesurer le taux de port de masque dans les transports
Décret n°2021-269 du 10 mars 2021 relatif au recours à la vidéo intelligente pour mesurer le taux de port de masque dans les transports