CONTACT

Violation d’une clause de non-concurrence par un ancien salarié : compétence du juge des référés commercial

05 octobre 2021 | Derriennic Associés|

Dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés commerciales, la Cour de cassation décide que le juge des référés commercial est compétent pour statuer sur la validité et sur la violation de la clause de non-concurrence souscrite par le salarié de l’une d’elles qui recherche la responsabilité de l’autre pour complicité de la violation de cette clause, dès lors que sa décision présente un caractère provisoire et qu’elle ne se prononce pas sur le fond.

En l’espèce, une société se plaignait de l’embauche de son ancien salarié par l’un de ses concurrents, au mépris de la clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail.

La société victime engage alors une première action contre son ancien salarié devant le conseil de prud’hommes et, dans le même temps, assigne son concurrent en référé, devant le Tribunal de commerce de Créteil, afin de faire cesser, sous astreinte, la nouvelle relation de travail et d’obtenir sa condamnation à lui payer une provision à valoir sur l’indemnisation de son préjudice.

Dans le cadre du référé commercial, l’entreprise concurrente, défenderesse, sollicite un sursis à statuer dans l’attente du jugement du conseil de prud’hommes, lequel doit notamment se prononcer sur la validité de la clause de non-concurrence.

Tant le juge des référés commercial du Tribunal de commerce de Créteil que la Cour d’appel de Paris ont écarté la demande de sursis à statuer, constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite et, par suite, fait droit aux demandes de la société victime en ordonnant l’arrêt de la relation de travail sous astreinte.

Au soutien de son pourvoi, la société concurrente critique la position de la Cour d’appel laquelle ne pouvait statuer sur les demandes visant à la cessation sous astreinte de la relation de travail ainsi qu’à la condamnation au paiement d’une provision à valoir sur l’indemnisation du préjudice avant que soit tranchée la question préalable de la violation de la clause de non-concurrence par le salarié, laquelle relève de la compétence exclusive de la juridiction prud’homale déjà saisie de cette question.

La Cour de cassation rejette toutefois le pourvoi au motif, limpide, que « si la juridiction commerciale, qui a compétence, dans le cadre d’un litige opposant deux sociétés commerciales, pour statuer sur la validité et sur la violation de la clause de non-concurrence souscrite par le salarié de l’une d’elles qui recherche la responsabilité de l’autre pour complicité de la violation de cette clause, doit surseoir à statuer lorsque la juridiction des prud’hommes a été saisie de cette question, il n’en va pas de même du juge des référés commercial, dont la décision présente un caractère provisoire et ne tranche pas le fond du litige ».

De manière presque pédagogique, la Haute Juridiction procède en trois temps et :

  • Principe selon lequel les litiges opposant deux sociétés commerciales relèvent de la compétence des tribunaux de commerce de sorte que qu’un employeur peut parfaitement assigner son concurrent devant la juridiction commerciale pour violation d’une clause de non-concurrence stipulée dans le contrat de travail d’un salarié ;
  • rappelle l’exception à ce principe qui veut que le Tribunal de commerce doit surseoir à statuer si le conseil de prud’hommes est également saisi du même litige, conformément à la compétence impérative du conseil de prud’hommes pour connaître de tout litige relatif au contrat de travail (article L. 1411-1 et s. du Code du travail) ;
  • et formule enfin l’exception à l’exception, à savoir que le sursis à statuer ne s’impose pas au juge des référés commercial car sa décision est « provisoire et ne tranche pas le fond du litige ».

Avec cette décision, la Chambre commerciale confirme le caractère stratégique de la procédure de référé pour l’entreprise victime de la violation par un ancien salarié de la clause de non-concurrence stipulée dans son contrat de travail, laquelle dispose d’un instrument de choix pour faire pression sur le concurrent complice et obtenir rapidement la sanction des agissements déloyaux.