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« Clés en main », une expression lourde de conséquences pour la cour de cassation !

24 mai 2019 | François-Pierre LANI|

Le seul constat que le contrat portait sur la création d’un site internet « clés en main » emporte la qualification de l’obligation souscrite par le prestataire informatique en obligation de résultat.

Une SARL au démarrage de son activité, dont l’objet est « site web de rencontre », accepte en mars 2011 le devis d’un prestataire spécialisé dans la création de site internet intitulé « Offre Web SITE DE RENCONTRES EN LIGNE clé en main » ; la livraison du site a lieu en juillet 2011. Début 2012, le client insatisfait, invoquant retards et dysfonctionnements du site après sa mise en service, assigne le prestataire en résiliation du contrat, remboursement et dommages et intérêts.

Le tribunal de commerce de Cannes, le 29 mars 2012, fait droit aux demandes du client considérant que le prestataire était tenu à une obligation de résultat.

Le prestataire interjette appel arguant d’une part que le planning était prévisionnel et qu’il n’existait aucune condition de délai au contrat : un retard ne peut donc être invoqué pour justifier une résolution judiciaire de celui-ci, la création d’un site internet ne dépendant pas uniquement du prestataire. Le client aurait demandé, au fur et à mesure de la conception du site, de nombreuses précisions, modifications et aménagements non prévus initialement et qui ont été satisfaits, retardant la mise en service du site. D’autre part, le prestataire considère que le site était parfaitement opérationnel, fonctionnant conformément au descriptif du contrat, de nombreux échanges démontrant la satisfaction du client. Les ajustements, corrections ou réglages, systématiques en matière de création d’un site internet, ne constituent pas selon lui des inexécutions contractuelles. Enfin pour le prestataire, l’aléa technique comme les documents contractuels excluent l’obligation de résultat.

La cour d’appel d’Aix en Provence le 11 décembre 2014 infirme le jugement du tribunal de commerce. Pour les juges d’appel, la création d’un site internet ne constitue pas une obligation de résultat pesant sur le prestataire dans la mesure où elle dépend des informations que doit lui fournir le client qui a donc la charge de prouver les manquements du prestataire dans l’exécution de cette création. Les juges considèrent que les éléments de faits contredisent l’affirmation du tribunal selon lequel le prestataire n’a pas respecté ses obligations contractuelles.

Le client forme un pourvoi et la chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 mai 2017 casse et annule l’arrêt de la cour d’appel avec une motivation pour le moins liminaire : pour la haute juridiction, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil : « ayant constaté que le contrat portait sur la création d’un site « clés en main », l’obligation souscrite [par le prestataire] devait s’analyser en une obligation de résultat ».

Sous le visa de l’article 455 du Code de procédure civile la Cour de cassation sanctionne également la cour d’appel qui a retenu qu’il n’était pas établi que le prestataire avait manqué à ses obligations contractuelles, sans répondre aux conclusions du demandeur qui faisait valoir que le site était affecté de dysfonctionnements postérieurement à sa livraison.

Les parties sont renvoyées devant la cour d’appel de Montpellier. Nous suivrons avec attention les suites de ce contentieux.

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