Par une ordonnance du 18 mai 2020, le Conseil d’Etat a enjoint l’Etat de cesser, sans délai, d’utiliser des drones pour surveiller le respect des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement.
Un préfet de police a pris la décision, le 18 mars 2020, d’instituer un dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement.
Estimant que l’institution de ce dispositif constituait une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie privée et au droit à la protection des données personnelles, les associations la Quadrature du Net et la Ligue des droits de l’homme ont saisi le juge des référés du Tribunal administratif de Paris afin de suspendre la décision du préfet de police et l’enjoindre de cesser immédiatement de capter des images par drones, de les enregistrer, de les transmettre ou de les exploiter.
Les requérantes avançaient, au soutien de cette demande, que :
- la conservation des données n’était limitée par aucune norme juridique ;
- aucun acte administratif n’encadrait le dispositif mis en œuvre ;
- aucune information n’était fournie aux personnes dont l’image était capturée par les drones ;
- aucune norme spécifique ne définissait les catégories de personnes habilitées à accéder aux images capturées ;
- il n’était pas justifié que la mesure était proportionnée au regard des finalités poursuivies ;
- le préfet n’était pas habilité par le législateur pour autoriser le déploiement d’un système de vidéosurveillance par drone.
Le préfet de police faisait, pour sa part, valoir que les images captées étaient prises en utilisant un grand angle et ne permettaient donc pas l’identification d’un individu, sauf lorsque les drones étaient utilisés dans un cadre judiciaire, que ce soit en flagrance, en préliminaire ou au titre d’une instruction.
Le juge des référés du Tribunal administratif, ayant estimé qu’il n’était pas établi ni soutenu que les drones auraient été utilisés dans un cadre judiciaire depuis le début du confinement, a considéré que la préfecture de police ne pouvait être regardée comme ayant procédé à un traitement de données à caractère personnel. En conséquence, la préfecture n’aurait pas porté une atteinte illégale au droit à la vie privée, ni au droit à la protection des données personnelles. La requête des deux associations a donc été rejetée.
Les deux associations ont, suite à cette décision, demandé au juge des référés du Conseil d’Etat d’annuler l’ordonnance du Tribunal administratif.
Le Conseil d’Etat a, pour sa part, estimé que les appareils en cause, dotés d’un zoom optique, étaient susceptibles de collecter des données identifiantes et ne comportaient aucun dispositif technique de nature à éviter, dans tous les cas, que les informations collectées puissent conduire, au bénéfice d’un autre usage que celui actuellement pratiqué, à rendre les personnes auxquelles elles se rapportaient, identifiables. Le dispositif litigieux constituait donc bien, pour le Conseil d’Etat, un traitement de données à caractère personnel.
Compte tenu des risques d’un usage contraires aux règles de protection des données personnelles qu’elle impliquait, la mise en œuvre de ce traitement, sans l’intervention d’un texte règlementaire en autorisant la création et en fixant les modalités d’utilisation devant obligatoirement être respectées, ainsi que les garanties dont il doit être entouré, caractérisait, pour le Conseil d’Etat, une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect à la vie privée.
Le Conseil d’Etat a, en conséquence, annulé l’ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Paris du 5 mai 2020 et enjoint l’Etat de cesser, sans délai, de procéder aux mesures de surveillance, par drone, du respect des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement.
Lien vers la décision du Tribunal administratif de Paris : Ici
Lien vers la décision du Conseil d’Etat : Ici