Par une décision du 20 avril 2023, le Conseil d’Etat a enjoint à la CNIL à mettre en demeure Google de déréférencer un article relatant la condamnation pénale d’un homme.
Le 20 janvier 2017, le journal « La Montagne » publiait un article sur son site internet relatant la condamnation d’un homme, quelques jours plus tôt, à trois ans de prison pour, notamment, des faits d’escroquerie.
L’homme, constatant, en saisissant son nom sur le moteur de recherche Google, que ledit article apparaissait dans les résultats, a mis en demeure Google de déréférencer l’article, puis, face au refus de ce dernier, a saisi, en vain, la CNIL afin qu’elle enjoigne à Google de procéder audit déréférencement.
Dans ce contexte, l’homme a formé un recours en excès de pouvoir contre la décision de la CNIL.
Le Conseil d’Etat, après avoir rappelé le contenu du droit à l’effacement de l’article 17 du RGPD, a fait application de la jurisprudence de la CJUE (C-136/17), en considérant que :
- « Lorsque des liens accessibles depuis un moteur de recherche mènent vers des pages web contenant des données à caractère personnel relatives à des procédures pénales […], l’ingérence dans les droits […] de la personne concernée est susceptible d’être particulièrement grave en raison de la sensibilité de ces données.
- Il s’ensuit qu’il appartient en principe à la CNIL, saisie d’une demande tendant à ce qu’elle mette l’exploitant d’un moteur de recherche en demeure de procéder au déréférencement de liens renvoyant vers de telles pages web, publiées par des tiers et contenant de telles données, de faire droit à cette demande.
- Il n’en va autrement que s’il apparaît, compte tenu du droit à la liberté d’information, que l’accès à une telle information à partir d’une recherche portant sur le nom de la personne concernée est strictement nécessaire à l’information du public. »
La Conseil d’Etat a ajouté que :
« Pour apprécier s’il peut être légalement fait échec au droit au déréférencement au motif que l’accès à des données à caractère personnel [est] strictement nécessaire à l’information du public, il incombe à la CNIL de tenir notamment compte,
- d’une part, de la nature des données en cause, de leur contenu, de leur caractère plus ou moins objectif, de leur exactitude, de leur source, des conditions et de la date de leur mise en ligne et des répercussions que leur référencement est susceptible d’avoir pour la personne concernée et,
- d’autre part, de la notoriété de cette personne, de son rôle dans la vie publique et de sa fonction dans la société. Il lui incombe également de prendre en compte la possibilité d’accéder aux mêmes informations à partir d’une recherche portant sur des mots-clés ne mentionnant pas le nom de la personne concernée ».
Compte tenu de ce qui précède, le Conseil d’Etat a constaté que :
- d’une part, l’article de presse litigieux (i) se rapporte « à des faits antérieurs à 2014 » (mais à une condamnation de 2017) (ii) relate « de façon factuelle le procès et la condamnation » ; (iii) ne comporte pas « d’analyses ou de commentaires de nature à nourrir un débat d’intérêt public », (iv) n’est « pas accessible en ligne à partir d’autres informations que le nom » de l’homme et (v) ne peut plus « être regardé comme reflétant la situation judiciaire [réelle] dès lors que, par un arrêt du 14 mars 2018, la cour d’appel de Riom a réduit la peine infligée » ;
- d’autre part, le requérant (i) est « âgé de 68 ans », (ii) ne peut plus avoir la qualité de dirigeant en raison de la « peine d’interdiction de gérer » et (iii) ne jouit pas d’une « notoriété particulière », et ;
- enfin, l’affaire n’a « pas fait l’objet d’autres commentaires publics » et « la décision d’appel n’a pas donné lieu à un article de presse référencé par Google ».
Dans ces conditions, le Conseil d’Etat a considéré que « eu égard aux répercussions que le référencement de cet article est susceptible d’avoir sur la situation personnelle du requérant, l’accès à ce contenu en ligne à partir du nom de ce dernier ne peut plus être regardé, à la date de la présente décision, comme strictement nécessaire à l’information du public », et a enjoint la CNIL de mettre en demeure la société Google de procéder au déréférencement demandé.
Source : CE 20 avril 2023 n°463487