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La condamnation pénale sur le fondement d’une preuve illicite peut fonder la sanction disciplinaire

06 octobre 2022 | Derriennic Associés|

Certains comportements graves, voire délictueux, sont toujours très difficiles à prouver. Qu’il s’agisse de faits de harcèlement ou de violence physique, la tentation est grande de recourir à des preuves obtenues « en catimini ». Dans une affaire jugée le 21 septembre dernier, la Cour de cassation décide que si la preuve obtenue de manière illicite est irrecevable devant le juge prud’homal, il en va différemment si celle-ci a, au préalable, fondé une condamnation pénale.

Le criminel tient le civil en l’état ! Ce principe général du droit reste plus que jamais d’actualité à l’heure où les NTIC permettent de plus en plus la captation de sons et/ou d’images. Or, une telle captation, faite le plus souvent à l’insu de la personne, sera par principe jugé irrecevable devant le juge prud’homal car obtenue de manière déloyale. Mais cette preuve illicite peut, nous dit la Cour de cassation, retrouver sa pleine force probante dès lors qu’elle a fondé une condamnation pénale de l’intéressé.

Dans les faits, un salarié engagé comme conducteur routier avait eu une altercation avec le chauffeur salarié d’une autre entreprise. L’intéressé est licencié pour faute grave. Le tribunal de police avait déclaré les deux salariés coupables de violences volontaires. Pour ce faire, le juge pénal s’appuyait notamment sur l’enregistrement vidéo du salarié « victime » pris avec son téléphone à l’insu du salarié licencié. La lettre de licenciement reprochait à ce dernier son comportement violent et ce, en s’appuyant exclusivement sur l’enregistrement pris à son insu. Le salarié arguait que son employeur ne pouvait, devant le juge prud’homal, s’appuyer sur un mode de preuve déloyal et illicite pour étayer son licenciement. La Cour d’appel balaie l’argument. Elle relève que le juge pénal avait, en analysant le film, porté sur ce moyen de preuve une appréciation liant le juge prud’homal, de sorte qu’il n’y avait donc pas lieu d’écarter ce moyen de preuve ou d’ordonner une expertise technique. La Cour de cassation valide le raisonnement : le salarié n’est pas « admis à soutenir devant le juge prud’homal, l’illicéité du mode de preuve jugé probant par le juge pénal ».

En présence de faits susceptibles de caractériser une infraction, il pourrait donc y avoir là un intérêt à coupler l’action pénale à la décision disciplinaire.

Source : Cass. Soc. 21 sept. 2022, n° 20-16.841