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L’appropriation d’informations confidentielles d’un concurrent apportées par un ancien salarié constitue un acte de concurrence déloyale

06 octobre 2022 | Derriennic Associés|

En l’absence de clause de non-concurrence, une société conserve la possibilité d’agir contre son ancien salarié et/ou son nouvel employeur, sur le terrain de la concurrence déloyale.

Un arrêt du 7 septembre 2022 de la Cour de cassation apporte une illustration de faits constitutifs d’actes de concurrence déloyale impliquant d’anciens salariés.

En l’espèce, une société a assigné en concurrence déloyale une société concurrente, lui reprochant d’avoir conçu ses produits grâce au détournement, par d’anciens salariés et notamment son ancien PDG, désormais salariés de la société concurrente, de ses fichiers techniques et commerciaux.

Grâce au constat d’huissier réalisé au siège de la société défenderesse, il avait en effet pu être établi que celle-ci stockait sur son serveur informatique divers documents, notamment techniques, commerciaux et financiers, appartenant à la société demanderesse.

Se prévalant d’une appropriation, par des procédés déloyaux, d’informations confidentielles relatives à son activité et à sa clientèle, la société demandait que soit ordonnée l’interruption de la fabrication et de la commercialisation des produits de la société concurrente et l’indemnisation des préjudices subis.

Tout en reconnaissant que les documents découverts sur le serveur de la société défenderesse avaient pu avoir un impact sur la rapidité de développement des produits de cette dernière et que la similitude entre les produits des deux sociétés pouvait résulter du transfert de compétences lié au départ d’anciens salariés de la première société vers la seconde, tant le Tribunal de commerce que la Cour d’appel d’Amiens ont refusé de reconnaitre l’existence d’actes de concurrence déloyale.

Pour les juges du fond en effet, sont insuffisants à caractériser des actes de concurrence déloyale :

  • Le transfert de compétences professionnelles par d’anciens salariés d’une société concurrente, dès lors que n’était pas démontré le détournement d’un savoir-faire propre ;
  • L’accès aux données commerciales d’une société concurrente, la connaissance de ces données par son ancien PDG étant inhérente à ses fonctions et en l’absence de démonstration que ces données auraient permis à la société défenderesse de s’en servir comme « mode d’emploi exhaustif clef en main » ;
  • Le fait d’utiliser les connaissances de l’ancien président d’une société concurrente, celui-ci n’étant pas lié par une clause de non-concurrence. 

La Cour de cassation censure ce raisonnement, au visa de l’article 1240 du code civil : « En statuant ainsi, alors que l’appropriation d’informations confidentielles appartenant à une société concurrente apportées par un ancien salarié, ne serait-il pas tenu par une clause de non-concurrence, constitue un acte de concurrence déloyale, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

La Cour de cassation avait récemment rendu une décision similaire dans une affaire dans laquelle un salarié s’était approprié des informations confidentielles de son ancien employeur, dans le cadre de la création de sa propre entreprise (Cass. com. 1er juin 2022, n°21-11.921).

Si l’insertion de clauses de non-concurrence dans les contrats de travail permet d’encadrer et de limiter le risque de concurrence vis-à-vis d’anciens salariés, l’absence de clause ne prive pas l’employeur de tout recours en présence d’actes de concurrence déloyale.

Source : Cass. Com., 7 septembre 2022, n°21-13.505