Aux termes d’un arrêt rendu le 7 décembre 2022, la Cour de cassation indique quelle portée peut-on donner aux souhaits de reclassement du salarié menacé de licenciement économique. La réponse a le mérite d’être claire : aucune !
En l’espèce, dans le cadre d’un projet de licenciement pour motif économique, une salariée est informée de la suppression de son poste et du plan de mobilité proposé par la société. Quelques jours plus tard, elle informe son employeur qu’elle n’est pas intéressée par le dispositif d’accompagnement à la recherche d’un emploi, ayant trouvé un nouveau poste à condition d’être rapidement disponible. La salariée demande donc à être licenciée rapidement et dispensée de l’exécution de son préavis. Son souhait est clair : elle n’entend pas être reclassée. Prenant acte de sa volonté, l’employeur lui notifie son licenciement pour motif économique et lui confirme accepter sa demande de dispense de préavis qui, de ce fait, ne lui est pas payé. Alors que cette dispense faisait suite à sa demande expresse, la salariée saisit le Conseil de prud’hommes pour contester son licenciement, invoquant l’absence de toute proposition concrète de reclassement, et demander le paiement de son préavis, soutenant qu’elle ne pouvait renoncer à son exécution par avance.
Déboutée en première instance, la salariée obtient en revanche gain de cause devant la cour d’appel, dont le raisonnement est, de manière surprenante, validé par la Cour de cassation : quand bien même la salariée avait expressément exprimé sa volonté d’être licenciée rapidement, sans bénéfice du plan de mobilité, et d’être dispensée de l’exécution de son préavis pour occuper un nouvel emploi, cette renonciation à ses droits, intervenue avant la notification de son licenciement, est jugée non valable. L’employeur est, par suite, condamné à verser à la salariée une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis.
Cette jurisprudence apparaît choquante à double titre. En premier lieu, cette décision intervient en sens contraire de celles retenues en matière de licenciement pour inaptitude. De manière constante, la Cour de cassation juge en effet que l’employeur, en matière de licenciement pour inaptitude, peut parfaitement tenir compte des souhaits du salarié dans sa recherche de reclassement (Cass. Soc., 22 mars 2018, n°16-24.482). L’arrêt du 7 décembre dernier annonce-t-il en conséquence un revirement ou bien met-il en place deux régimes juridiques différents, s’agissant pourtant d’une même obligation de reclassement, selon qu’on se trouve en présence d’une inaptitude ou d’un motif économique ? L’insécurité juridique conduit à faire preuve de vigilance. En second lieu, la décision apparaît encore choquante en ce qu’elle revient à priver de tout effet la volonté du salarié, lequel est pourtant l’une des deux parties au contrat de travail. Or, il n’est pas question ici de priver le salarié d’un droit pécuniaire mais bien de le laisser choisir son nouvel emploi vis-à-vis duquel sa volonté, pour ne pas dire son consentement, a en principe légitimement sa place. En jugeant néanmoins de la sorte, la Cour de cassation replace le salarié au rang de partie à protéger…y compris contre sa volonté ! La décision apparaît, de ce fait, critiquable au regard des principes élémentaires du droit des contrats mais encore de la bonne foi contractuelle, frontalement heurtée par la volte-face effectuée par le salarié saisissant in fine le conseil de prud’hommes.
L’obligation préalable de recherche de reclassement reste un prérequis incontournable : les parties ne peuvent en convenir autrement.