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L’obligation de délivrance conforme de l’éditeur de logiciel

24 septembre 2021 | Derriennic Associés|

Cour d’appel de Rennes, Chambre commerciale, 1er juin 2021, R.G. nº 18/06246

 L’éditeur a l’obligation de s’assurer que le progiciel réponde aux besoins de son client qu’il aura analysés et l’obligation de délivrance ne pourra être considérée comme exécutée que si le progiciel a été installé, testé et mis en production, la recette attestant que le progiciel répond aux besoins du client. Pour autant, l’absence de recette n’est pas ipso facto une démonstration de l’inexécution.

En 2011, après deux ans de pourparlers, une société de menuiserie passe commande de logiciels à un éditeur qui commercialise un ERP métier. Cet éditeur assure également la maintenance de l’installation. Payé en 2012 et 2013, il n’est pas toutefois pas réglé de ses prestations en 2014, indique cesser ses interventions et engage une procédure en injonction de payer contre son client. Sur opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, le client demande la résiliation du contrat aux torts du prestataire informatique et de lourds dommages et intérêts.

Débouté par le Tribunal de commerce de Vannes, le client interjette appel, considérant notamment que le prestataire n’a pas rempli son obligation de délivrance conforme de la solution informatique vendue et doit rembourser l’intégralité des sommes versées et réparer son préjudice de plus de 5M€ (coûts internes engagés par cette dernière en pure perte et préjudice d’exploitation).

La cour va, tout d’abord, noter que le prestataire avait connaissance du cahier des charges et que ce dernier n’évoque qu’à la marge la partie du projet dans laquelle les dysfonctionnements sont allégués, le litige portant sur l’interface de pilotage permettant de réaliser un échange de données entre le logiciel et la machine du client.

La cour rappelle ensuite que :

  • le progiciel étant considéré comme un produit complexe, les obligations du fournisseur ne diffèrent pas fondamentalement selon qu’il a vendu un produit standardisé ou un produit élaboré spécifiquement pour son client, de sorte qu’il a, dans tous les cas, l’obligation de s’assurer que le progiciel réponde aux besoins de son client, besoins qu’il aura analysés.
  • l’obligation de délivrance du fournisseur ne pourra être considérée comme parfaitement et définitivement exécutée que si le progiciel a été installé, testé et mis en production, avec pour terme de ce processus une recette contradictoire attestant que le progiciel répond aux besoins du client.

Si la cour constate que la recette prévue dans les conditions générales n’a pas été réalisée, interdisant à l’éditeur de pouvoir démontrer qu’il a exécuté son obligation de délivrance, elle précise que cette absence de recette ne caractérise par ipso facto une démonstration de l’inexécution : il convient pour les juges d’examiner la teneur des échanges entre les parties.

En l’espèce, les pièces ne permettent pas de conclure à un manquement du prestataire à son obligation de délivrance non plus qu’à une inexécution de ses obligations contractuelles d’une gravité telle qu’elle justifie la résiliation du contrat. L’éditeur a par ailleurs justifié de l’exécution de ses obligations de maintenance en 2014.

Par suite, la cour conclut que les dysfonctionnements ponctuels, s’ils ont pu être gênants pour le client, ont été résolus et n’ont pas excédé les difficultés usuelles en la matière.

La cour relève également que le client a illégitimement refusé de payer la facture de maintenance, sans mise en demeure préalable de procéder à quelque prestation que ce soit et sans justifier son refus de payer à réception de la mise en demeure de payer.

La cour écarte enfin l’expertise unilatérale produite par le client, réalisée par un expert judiciaire en informatique, et considère qu’il n’y a pas lieu à expertise judiciaire, compte tenu de l’ancienneté des faits et du remplacement du progiciel.

Il sera fait droit à la demande en paiement du prestataire et le client sera débouté de toutes ses demandes.