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Point sur la rupture conventionnelle

15 décembre 2014 | Sabine SAINT- SANS| GPO magazine


Note de la Rédaction: Le succès de la rupture conventionnelle démontre qu’elle correspondait aux attentes tant côté employeur que salarié. Elle n’en reste pas moins strictement encadrée par les instances du travail et de l’emploi. À lire attentivement.

Les jurisprudences récemment rendues par la Cour de Cassation sont l’occasion de rappeler certains principes relatifs à la rupture conventionnelle. A titre informatif, fin juin 2014, 179.293 demandes de ruptures conventionnelles avaient été transmises à la DIRECCTE* pour homologation (hors salariés protégés), dont 94 % ont été homologuées.

* Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi

Rupture conventionnelle durant la suspension du contrat du travail pour accident du travail ou maladie professionnelle

L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 30 septembre 2014 n’interdit pas aux parties de signer une rupture conventionnelle pendant la suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle.

L’attendu de la Cour de Cassation est clair : « sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, non invoqués en l’espèce, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ».

En l’espèce, le salarié victime de l’accident du travail avait repris son travail sans avoir passé de visite médicale de reprise, ayant pour effet de mettre fin à la période de suspension du contrat de travail.

La solution retenue par la Cour de cassation s’écarte de la jurisprudence classique. Jusqu’à présent, la Cour de cassation s’attachait à protéger les salariés victimes d’un accident du travail en interdisant les ruptures du contrat de travail pour des motifs autres que ceux énoncés, à savoir la faute grave ou l’impossibilité de maintenir le contrat pour motif non lié à l’accident du travail ou à la maladie.

Or, dans cet arrêt, la protection de l’article qui limite les causes de rupture du contrat pendant la suspension du contrat de travail ne concerne que la rupture unilatérale. Elle n’est donc pas applicable à la rupture conventionnelle.

Cette jurisprudence devrait ouvrir de nouvelles perspectives aux salariés et aux employeurs qui souhaitent rompre le contrat de travail dans des conditions plus souples, sans être contraints d’attendre la décision d’inaptitude ou d’aptitude du médecin du travail pour mettre en oeuvre la rupture du contrat de travail.

Cependant, la Cour de cassation subordonne la validité de la rupture conventionnelle à l’absence de fraude. Celle-ci pourrait notamment être retenue en cas de signature d’une rupture conventionnelle entre deux visites de reprise, si les juges constatent que l’employeur, devant l’évidence d’une déclaration d’inaptitude, à chercher à se soustraire à son obligation de reclassement.

Rupture conventionnelle suivie d’une transaction : nullité ou non ?
Dans un arrêt du 26 mars 2014 la Cour de Cassation fixe les conditions permettant à l’employeur de conclure une transaction avec un salarié ayant bénéficié d’une rupture conventionnelle.

L’arrêt de la Cour de Cassation a autorisé la conclusion d’une transaction dans le cadre d’une rupture conventionnelle si deux conditions étaient remplies dans la transaction :

  • elle doit être postérieure à l’homologation de la rupture conventionnelle (ou à la notification de l’autorisation de rupture s’il s’agit d’un salarié protégé) ;
  • elle ne doit pas avoir pour objet de régler un différend relatif à la rupture du contrat de travail, mais un différend relatif à son exécution, sur des éléments non compris dans la convention de rupture (paiement d’heures supplémentaires, rappel de salaire suite à la revalorisation du coefficient hiérarchique, etc.).

La chambre sociale de la Cour de cassation entend ainsi empêcher la signature de transactions visant à interdire au salarié d’engager une action judiciaire portant sur la rupture du contrat.

Rupture conventionnelle et indemnisation des congés payés non pris
Dans son arrêt la Cour de cassation rappelle que seule la fraude ou le vice du consentement provoque la nullité de la rupture conventionnelle. Elle précise en outre les principes applicables en matière de report et indemnisation des congés payés non pris du salarié absent.

En l’espèce, la salariée avait été placée en arrêt de travail suite à un accident du travail puis déclarée apte avec réserves à la reprise du travail. Trois mois plus tard, elle signait une rupture conventionnelle qui sera homologuée par la DIRECCTE après deux refus successifs.

La salariée assignait alors son ancien employeur aux fins :

  • de contester sa convention de rupture. Sur ce point, la Cour de cassation a rejeté la demande de la salariée en ce qu’elle ne démontrait pas la fraude de l’employeur ni un quelconque vice du consentement, seuls éléments susceptibles de provoquer la nullité de ladite rupture.
  • du paiement de ses jours de congés payés non pris. Sur ce point, la Cour appliquait sa jurisprudence devenue classique et constante, selon laquelle les congés payés non pris en raison d’absences (maladie, accident du travail, maladie professionnelle) doivent être reportés au jour de la reprise ou à défaut indemnisés.

Rupture conventionnelle et procédure disciplinaire
L’arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation : « L’existence au moment de sa conclusion, d’un différend entre les parties au contrat de travail n’affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture ».

En l’espèce, le salarié a été convoqué par lettre recommandée par son employeur à deux entretiens pour évoquer l’éventualité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail puis les termes définitifs de la convention de rupture. La rupture conventionnelle signée par les parties est homologuée par la DIRECCTE. Par la suite, le salarié saisit la juridiction prud’homale de demandes tendant à la requalification de la rupture conventionnelle en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour faire droit à la demande du salarié, la Cour d’appel de Versailles avait retenu qu’il existait un différend entre les parties sur l’exécution du contrat de travail. L’employeur avait en effet infligé au salarié deux avertissements en raison de la mauvaise qualité de son travail, six mois et trois mois, avant la signature de la rupture conventionnelle. Cet arrêt doit être compris sur ce point comme une consolidation de jurisprudence.

Alors que la Cour de cassation respecte habituellement une grande plasticité entre les types de rupture du contrat de travail par recours à la technique de requalification, la rupture conventionnelle est protégée par l’appréciation du vice du consentement.

Ainsi, il ressort de l’arrêt que la menace du licenciement ne suffit pas à vicier le consentement du salarié. On peut même concevoir désormais qu’une rupture conventionnelle soit valablement conclue en cours de procédure de licenciement disciplinaire, comme alternative à celui-ci. Le consentement du salarié à la rupture conventionnelle est dicté par les circonstances et non par l’employeur. Le rôle des juges s’avère primordial pour apprécier la qualité du consentement donné.

L’employeur doit donc, à tout moment du processus de mise en oeuvre de la rupture conventionnelle, garantir la liberté du consentement du salarié. Si l’employeur est à l’initiative de la rupture conventionnelle, il doit être aussi prudent que dans le cadre de l’entretien préalable au licenciement et se contenter d’écrire ou de dire «qu’il envisage» cette forme de rupture. Si la faculté de rompre unilatéralement le contrat de travail pour l’employeur, de sorte qu’une menace de licenciement ne caractérise pas en soi un vice du consentement, l’employeur ne doit exercer aucune forme de pression sur le salarié.

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