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Application de la prescription décennale à l’action en responsabilité contractuelle du Maître d’ouvrage contre les constructeurs et leurs sous-traitants 

20 octobre 2022 | Derriennic Associés|

Dans le cadre de la construction du musée « Historial de la Vendée », le département de la Vendée a été condamné à verser à l’entreprise titulaire du lot de travaux « Charpente métallique », la somme de 660.218,26 euros en raison de surcoûts résultant de la réalisation de plans d’exécution et de notes de calcul dont elle n’était pas contractuellement redevable et de la moitié des surcoûts générés par la modification du plan constructif initial.

Le département de la Vendée, estimant que les manquements pour lesquels il avait été condamné étaient exclusivement imputables au groupement chargé de la maitrise d’œuvre, a saisi le Tribunal administratif de Nantes d’une demande tendant à la condamnation solidaire des sociétés membres du groupement de maîtrise d’œuvre, à lui verser une somme de 660.218,26 euros avec intérêts.

Le recours du Département de la Vendée est engagé 6 ans après sa condamnation.

Censurant le jugement du Tribunal administratif, la Cour administrative d’appel de Nantes, dans un arrêt du 20 novembre 2020, a condamné l’une des sociétés du groupement de maîtrise d’œuvre à verser la somme de 660.218,26 euros en réparation du préjudice subi par le département.

La société membre du groupement de maîtrise d’œuvre ainsi condamnée se prévalant de la prescription de l’action du maître d’ouvrage, a formé un pourvoi contre cet arrêt.

La Haute juridiction était ainsi amenée à trancher la question du délai de prescription de l’action du maître d’ouvrage public à l’encontre des constructeurs. En l’espèce, l’action en responsabilité contractuelle du département de la Vendée contre les membres du groupement est-elle régie par la prescription quinquennale ou décennale ?

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat rappelle que, aux termes de l’article 2224 du Code civil, « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Il en conclut que le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève de ces dispositions et se prescrit, en conséquence, par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat rappelle les dispositions de l’article 1792-4-3 du Code civil au titre duquel « En dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux ».

Soulignant que cette disposition se situe au sein d’une section du Code civil relative aux devis et marchés et insérées dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, la Cour de cassation en déduit qu’elle a vocation à s’appliquer aux actions en responsabilité dirigées par le maître d’ouvrage contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 du Code civil, ou leurs sous-traitants.

Or, ces actions se prescrivent par dix ans. Il résulte de ce raisonnement que, selon le Conseil d’Etat, le délai de prescription de dix ans à compter de la réception des travaux s’applique aux actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs et leurs sous-traitants par le maître d’ouvrage.

Le Conseil d’Etat estime ainsi que l’action en responsabilité contractuelle du maitre d’ouvrage contre le maître d’œuvre, dans la mesure où ce-dernier a la « qualité de constructeurs au sens des dispositions précitées de l’article 1792-4-3 du code civil », se prescrit par dix ans et ce « alors même qu’elle ne concerne pas un désordre affectant la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination ».

Il écarte ainsi l’application de la prescription quinquennale de droit commun et estime que le maître d’ouvrage public dispose d’un délai de 10 ans pour agir en responsabilité contractuelle contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.

Source : CE, 12 avril 2022, n° 448946