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Surveillance constante d’un salarié travaillant seul : un moyen de preuve inopposable

15 juillet 2021 | Derriennic Associés|

La Cour de cassation, dans un arrêt du 23 juin 2021, a estimé que la surveillance constante d’un salarié, par un dispositif de vidéosurveillance, aux fins d’assurer le respect des règles d’hygiène et de sécurité, était attentatoire à la vie personnelle de ce salarié et disproportionnée au but recherché.

Un particulier a été engagé par une pizzeria en qualité de cuisinier.

Quatre ans après son recrutement, la pizzeria a reproché au cuisinier des manquements à ses obligations en matière d’hygiène et de sécurité, et l’a informé qu’elle avait pour intention de mettre en place un dispositif de vidéosurveillance, afin d’engendrer des « changements » dans le « comportement au travail » du cuisinier.

Suite à de nouveaux manquements, le cuisinier a été licencié, son employeur lui reprochant notamment des faits qu’il offrait de prouver au moyen d’images issues du dispositif de vidéosurveillance ainsi mis en place.

Le cuisinier a saisi les juridictions prud’homales en vue de contester son licenciement, et a obtenu, en appel, la condamnation de son employeur pour licenciement abusif, au motif que si le cuisinier avait été informé de l’existence d’un dispositif de vidéosurveillance, il n’avait, en revanche, pas connaissance :

  • des finalités de ce dispositif ;
  • des destinataires des images ;
  • des modalités concrètes d’exercice du droit d’accès.

De plus, la Cour d’appel a estimé que l’installation d’une caméra dans la cuisine, où le salarié travaillait seul, n’était pas proportionnée au but poursuivi.

Pour la Cour d’appel, les éléments de preuves recueillis au moyen du dispositif de vidéosurveillance ne pouvaient donc pas être opposés au cuisinier.

Pour la pizzeria, qui a formé un pourvoi contre la décision de la Cour d’appel, le caractère lacunaire de l’information donnée au salarié ne devait pas avoir pour conséquence de rendre les enregistrements inopposables au salarié. De plus, selon elle, l’atteinte à la vie privée était justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, qui était de s’assurer de l’absence de réitération de manquements aux règles d’hygiène et de sécurité.

Selon la Cour de cassation, dans son arrêt du 23 juin 2021 :

« La cour d’appel a constaté que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Elle en a déduit à bon droit que les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »

Le pourvoi de la pizzeria a donc été rejeté.

Lien vers la décision : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/chambre_sociale_576/804_23_47380.html