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Le respect du calendrier : une obligation de résultat du prestataire informatique

16 avril 2021 | Derriennic Associés|

Cour d’appel de Rennes, 3ème Chambre commerciale, Arrêt du 23 mars 2021, Répertoire général nº 19/00243

Le respect du calendrier contractuel par le prestataire, présenté dès l’origine comme déterminant du consentement du client, est une obligation de résultat dont le prestataire ne peut s’exonérer qu’en démontrant que le client ne l’a pas mis en mesure d’effectuer son travail. Le client a lui une obligation de moyens de collaboration mais il appartient au prestataire, s’il estime que les renseignements fournis par son client sont contradictoires, confus, ou incomplets, de l’en avertir en lui expliquant précisément ce qu’il attend.

Après avoir remis en cahier des charges exprimant ses besoins, une société conclut en mai 2017 un contrat de prestations de services visant à la mise en œuvre par une société informatique, pour un montant total de 80.000€, d’une architecture logicielle d’une application et des services WEB associés. La livraison d’une première version simplifiée mais suffisamment aboutie pour être téléchargée et utilisée est prévue à date fixe avant le démarrage de la saison estivale. Du retard s’accumule, la date n’est pas respectée et les parties s’en imputent mutuellement la responsabilité.

Le client adresse une mise en demeure le lendemain même de la date de livraison et retient le paiement d’une partie de la somme due ; après mise en demeure de payer restée sans effet, le prestataire l’assigne.

Par jugement du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Rennes condamne le client à payer une partie du montant ; le client interjette appel arguant notamment du fait que le calendrier, qualifié de prévisionnel par le prestataire, était impératif et que les manquements sont exclusivement imputables au prestataire. Il réclame réparation de son préjudice pour près de 200.000 € (frais engagés à perte, perte de chance de réaliser des levées de fonds…). A titre reconventionnel le prestataire critique le jugement en ce qu’il a limité son indemnisation.

La cour d’appel va étudier en détail l’accord des parties et en conclure que le contrat, rédigé par le prestataire, s’il faisait état du caractère « tendu » du planning, mentionnait que les délais pourraient être respectés ; un calendrier très précis était défini.

Le contrat indiquait classiquement que tout retard dû au client, notamment par suite d’un manque de collaboration (transmission tardive de documents nécessaires à la prestation, documents incomplets ou erronés, reports répétitifs de réunions, retard sur les validations intermédiaires etc) modifieraient le délai de livraison.

Ainsi la cour va retenir que le respect du calendrier contractuel par le prestataire, présenté dès l’origine comme déterminant du consentement du client, était une obligation de résultat dont le premier ne peut s’exonérer qu’en démontrant que le second ne l’a pas mis en mesure d’effectuer son travail.

Pour les juges « Sur cette question et comme dans tout marché de prestations de services informatiques réalisées en fonction de besoins spécifiques à un client, le client a une obligation de moyens de collaboration afin de permettre au prestataire d’ajuster au fur et à mesure ses produits. Toutefois, seul le prestataire est à même de comprendre si les informations qui lui sont fournies sont suffisantes pour lui permettre de poursuivre sa mission ou si au contraire, la collaboration de son client est inadaptée et insuffisante. Ainsi, il appartient au prestataire, s’il estime que les renseignements fournis par son client sont contradictoires, confus, ou incomplets, de l’en avertir dans les plus brefs délais en lui expliquant précisément ce qu’il attend de lui et en lui demandant de corriger ses méthodes. »

Or, le prestataire ne démontre pas avoir avisé son client de ce qu’il estimait que sa collaboration était insuffisante, confuse ou inefficace, qu’elle ne lui permettait pas d’avancer dans l’exécution de ses prestations ; il se devait de signaler un risque de ce que les délais prévus ne pouvaient être respectés, avant que le client ne se plaigne lui-même de la faiblesse de ses prestations.

L’examen des pièces versées aux débats démontre que le prestataire a failli dans son obligation de résultat du respect du calendrier contractuel. Il lui appartenait en effet, si cela était nécessaire au respect de ce calendrier, de demander au client de modifier ses méthodes de travail avant que le retard ne se soit définitivement accumulé.

La cour va relever que la poursuite du projet ne correspond pas à un accord du client pour repousser la date de livraison contractuelle mais simplement à une volonté de sauver ce qui peut l’être. Pendant cette période, de nombreuses versions successives seront livrées sans être satisfaisantes, et le client se montrera de son côté incapable de fournir des informations requises, conduisant à une responsabilité partagée de l’inachèvement constaté à la fin du mois de juillet.

La cour va par conséquent infirmé le jugement en déboutant le prestataire de sa demande en paiement ; le jugement est infirmé de ce chef. La cour va également rejeter les demandes du client, notamment de remboursement de l’acompte. Ce dernier ne demandait pas la résolution du contrat et il ne justifie pas que le travail effectué ne pourrait pas être réutilisé. Il sera seulement indemnisé pour réparer les conséquences de l’absence d’application disponible durant l’été 2017, à hauteur de 5.000€.