Cass. soc., 27 mai 2020 n° 19-13.504 ; n°19-14.225 ; n°19-15.105 ; n°19-15.974 ; et n°19-60.147; Cass. soc., 1er juill. 2020, n°19-14.222 ; 19-14.879 et n° 19-17.615
Le premier semestre de l’année 2020 a été prolixe en matière d’arrêts rendus par la Cour de cassation relativement aux élections professionnelles.
D’une part, la Cour de cassation est venue préciser sa jurisprudence sur le respect de la parité Hommes-Femmes dans l’établissement des listes électorales par les organisations syndicales.
En effet, par une série d’arrêts rendus le 11 décembre 2019, la Haute Juridiction était venue préciser l’application des règles édictées par l’article L.2314-30 du Code du travail. A l’occasion de plusieurs arrêts rendus les 27 mai 2020 et 1er juillet 2020, elle continue de préciser et renforcer les modalités d’applications de cet article.
Pour rappel, cet article, dont les dispositions sont d’ordre public absolu (Cass. soc., 11 déc. 2019, n°18-23.513 ; n°18-26.568 ; n°19-10.855), dispose que :
Pour chaque collège électoral, les listes mentionnées à l’article L. 2314-29 qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.
Lorsque l’application du premier alinéa n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l’arrondi arithmétique suivant :
1° Arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;
2° Arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5.
En cas de nombre impair de sièges à pourvoir et de stricte égalité entre les femmes et les hommes inscrits sur les listes électorales, la liste comprend indifféremment un homme ou une femme supplémentaire.
Lorsque l’application de ces règles conduit à exclure totalement la représentation de l’un ou l’autre sexe, les listes de candidats pourront comporter un candidat du sexe qui, à défaut ne serait pas représenté. Ce candidat ne peut être en première position sur la liste.
Le présent article s’applique à la liste des membres titulaires du comité social et économique et à la liste de ses membres suppléants.
Premièrement, la Cour de cassation précise que la règle de l’alternance des candidats de chaque sexe n’impose pas que le premier candidat de la liste soit du sexe majoritaire (Cass. soc., 27 mai 2020, no 19-60.147) :
- Les syndicats peuvent donc placer indifféremment en haut de la liste un candidat du sexe majoritaire ou du sexe sous-représenté ;
- En pratique, en cas d’épuisement des candidats d’un des deux sexes, la liste sera complétée par des candidats du sexe surreprésenté.
Deuxièmement, concernant l’exception à la parité en cas d’exclusion totale de la représentation de l’un ou l’autre sexe, édictée par l’alinéa 6 de l’article précité, la Cour de cassation a rappelé, par deux arrêts du 1er juillet 2020, la position qu’elle avait adoptée en décembre 2019 (Cass. soc., 11 déc. 2019, n°18-26.568 ; n°19-13.037 ; n°18-20.841 ; n°19-10.855), à savoir que les organisations syndicales ont simplement la faculté de présenter sur les listes de candidats un candidat du sexe sous-représenté.
Ainsi, lorsque deux sièges sont à pourvoir, si le pourcentage de salariés d’un sexe, en application de la règle de l’arrondi, ne donne droit à aucun siège, le syndicat peut présenter, soit deux candidats du sexe majoritairement représenté, soit un candidat de chacun des deux sexes, soit un candidat unique du sexe surreprésenté (Cass. soc., 1er juill. 2020, n°19-14.879 et n° 19-17.615).
A ce sujet, il est bon de rappeler que cette exception à la parité des listes électorales n’est applicable que lorsque l’absence de représentation d’un sexe résulte uniquement de la mise en œuvre des règles de proportionnalité et d’arrondi au regard du nombre légal de sièges à pourvoir, et non pas du choix des organisations syndicales de présenter une liste incomplète et par un truchement des calculs opérés à réduire le nombre de sièges (Cass. soc., 11 déc. 2019, n°19-10.826).
Troisièmement, concernant la compétence du juge judiciaire, la Cour de cassation a repris la solution adoptée par un arrêt du 11 décembre 2019 (Cass. soc., 11 déc. 2019, n°18-26.568) au terme de laquelle le tribunal d’instance (désormais tribunal judiciaire depuis le 1er janvier 2020) peut déclarer la liste électorale irrégulière au regard l’article L.2314-30 du C. Travail, dès lors qu’il statue avant l’élection, en reportant le cas échéant la date de l’élection pour en permettre la régularisation. Il peut donc et doit être saisi avant l’élection (Cass. soc., 27 mai 2020, n°19-14.225 ; n°19-15.974 ; n°19-60.147).
En application de l’article L.2314-32 du code du travail, il en ressort que si le tribunal judiciaire est saisi après le déroulement du scrutin, et qu’il constate le non-respect des dispositions de l’article L.2314-30 du C. Travail relatives à la proportion d’hommes et de femmes dans chaque collège, le juge judiciaire annule uniquement l’élection du ou des élus en surnombre au regard de leur sexe ou mal positionnés sur la liste :
- Il doit donc annuler l’élection des derniers élus du sexe surreprésenté en suivant l’ordre inverse de la liste des candidats. Par exemple, si cinq femmes ont été élues alors que seules deux auraient dû l’être, les trois dernières élues sur la liste verront leur élection annulée.
- Il ne peut pas annuler :
- toute la liste litigieuse ;
- l’élection du collège concerné par le non-respect des règles de parité (soc., 27 mai 2020, n°19-60.147) ;
- toute l’élection qui s’est déroulée, quand bien même l’application des sanctions pour ce motif a une conséquence directe sur la représentativité des syndicats (soc., 27 mai 2020, n°19-15.974).
Enfin, l’annulation de l’élection d’un candidat pour l’une de ces raisons est sans incidence sur la représentativité des organisations syndicales, laquelle reste calculée en fonction des suffrages recueillis par la liste au premier tour de l’élection des titulaires (Cass. soc. 1er juill. 2020, n°19-14.222).
D’autre part, la Cour de cassation a rendu deux arrêts relatifs au principe de neutralité de l’employeur dans le cadre des élections professionnelles. En cas de violation de ce principe, le scrutin concerné encourt la nullité.
Dans la première espèce, la Haute juridiction a considéré qu’est une irrégularité ayant pour conséquence de fausser le résultat du scrutin des élections professionnelles, le fait qu’un syndicat a utilisé l’adresse de messagerie du comité pour diffuser un message de propagande syndicale le premier jour du scrutin, détournant ainsi un moyen de communication mis à disposition par l’employeur, sans que ce dernier ne réagisse (Cass. soc., 27 mai 2020, no 19-15.105).
Dans la seconde espèce, ont été considérées comme des irrégularités ayant porté atteinte à un principe général du droit électoral qui est d’ordre public et entraînant ainsi la nullité de l’élection, le fait que le procès-verbal des élections n’ait pas été établi immédiatement après la fin du dépouillement dans la salle de vote, en présence des électeurs, en deux exemplaires signés de tous les membres du bureau et que dès l’établissement du procès-verbal, le résultat n’ait pas été proclamé en public par le président du bureau de vote et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote, en violation de l’article R. 67 du Code électoral (Cass. soc., 27 mai 2020, no 19-13.504).