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Contrat informatique résilié aux torts partagés, comment calcule-t-on le droit à réparation ?

08 avril 2022 | Derriennic Associés|

Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 23 mars 2022, n° 20-15.475

La Cour de cassation censure pour la deuxième fois la cour d’appel de Paris sur le calcul du préjudice suite à l’échec d’un projet informatique aux torts partagés des deux parties. La compensation ne peut s’opérer qu’après avoir appliqué le coefficient de part de responsabilité au préjudice de chaque partie.

Dans cette affaire, une société conclut en 2007 un contrat avec un prestataire informatique visant à la conception et l’installation d’un progiciel de gestion. Après des difficultés projets, le client résilie pour manquements graves et assigne son fournisseur.

Le tribunal de commerce, suivant le rapport d’expertise, déboute le client de sa demande de résolution du contrat et prononce la résiliation aux torts partagés.

Les juges relèvent d’une part l’incapacité répétée du prestataire à respecter le calendrier contractuel, n’ayant pas livré l’application comme convenu, ainsi que le nombre d’anomalies trop élevé et la mise sous condition par le prestataire de la poursuite des opérations à un avenant coûteux.

Ils tiennent compte d’autre part du comportement du client qui a contribué par ses demandes d’évolution au retard et ne s’est pas focalisé en recette sur la correction des anomalies bloquantes ou majeures.

La cour d’appel de Paris (Pôle 5, Chambre 10, 16 janvier 2017 – RG n°15/03724) confirme le jugement en déboutant le client de sa demande de dommages et intérêts : le contrat étant résilié pour faute de chacune des parties à hauteur de 50%, le client était mal fondé à reprocher au prestataire des retards et une résiliation auxquels il avait lui-même contribué.

La Haute Juridiction va une première fois sanctionner les juges d’appel (Cass. com., 19 sept. 2018, n° 17-15.191) qui auraient dû rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations avaient causé à chacune d’elles un égal préjudice de nature à entrainer la compensation totale entre les dommages et intérêts auxquels elles pouvaient réciproquement prétendre.

La cour d’appel autrement composée refait donc ses calculs (Pôle 5 – chambre 11, 13 décembre 2019, n° 18/24369). Elle détermine pour chaque poste de préjudice invoqué (pour le client : remboursement des sommes, pénalités de retard, surcoûts ; pour le prestataire : factures impayées, rupture abusive), s’il est en lien direct avec les fautes commises par l’autre, avant d’ordonner la compensation entre les créances de chacune des parties, celles-ci étant responsables à part égale de l’échec du projet.

Et c’est une nouvelle cassation !

Au visa de l’article 1147 du code civil, la Cour indique que chacune des parties contractantes étant jugée responsable pour moitié de la résiliation du contrat, elle devait réparer le préjudice subi par l’autre du fait de cette résiliation en tenant compte de cette proportion, soit seulement à concurrence de 50 % de ce préjudice, la compensation ne devant s’opérer qu’après application au préjudice de chaque partie de ce coefficient.

La cour d’appel en ordonnant la compensation sans tenir compte de cette proportion, a finalement condamné chaque partie à indemniser intégralement le préjudice de l’autre.