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Être membre de la Direction et entretenir une relation amoureuse avec le représentant syndical de l’entreprise caractérise une faute grave 

15 juillet 2022 | Derriennic Associés|

Ô DRH, DRH, pourquoi es-tu DRH ?

En l’espèce, un salarié occupait en dernier les fonctions de responsable de site. Il est licencié pour faute grave le 27 septembre 2014 au motif qu’il était le compagnon, depuis plusieurs années, d’une salariée de l’entreprise, laquelle détenait différents mandats de représentation syndicale et de représentation du personnel. La lettre de licenciement, qui précise que la Direction n’avait nulle intention de s’immiscer dans la vie privée de son salarié, rappelle qu’en qualité de responsable du site, l’intéressé avait eu à représenter la direction à de nombreuses reprises face à la représentante syndicale et donc, face à sa conjointe. Mettant l’accent sur l’absence d’information spontanée délivrée par le salarié, l’entreprise lui reproche ainsi un acte de déloyauté, ce d’autant plus que sa conjointe avait récemment engagé une action prud’homale.

Le salarié, indigné d’être licencié en raison de sa relation conjugale, saisit le conseil de prud’hommes, notamment en référé, pour solliciter sa réintégration, qu’il obtient. Cette décision est cependant infirmée par la cour d’appel de Nîmes, dont l’arrêt est confirmé par la Cour de cassation le 1er juin 2017. Concomitamment, le 5 mai 2017, l’intéressé saisit le Conseil de prud’hommes, au fond, en contestation du motif de son licenciement. La juridiction prud’homale le déboute de ses demandes, conduisant la Cour d’appel de Nîmes à se prononcer sur le bien fondé d’un tel licenciement.

En premier lieu et sur l’évidente nullité du licenciement invoquée, au motif d’une atteinte à la vie privée et, de ce fait, discriminatoire, la Cour d’appel rejette l’argument de l’amoureux. Pour ce faire, elle rappelle que le motif du licenciement réside dans le conflit d’intérêt et l’acte de déloyauté pour avoir caché à l’employeur sa relation avec Madame X. De ce fait, la Cour estime que le licenciement ne repose pas sur la relation sentimentale elle-même, donc non sur la vie privée, mais sur les conséquences vis-à-vis de ses fonctions et responsabilités de responsable de site. Par cet artifice, la Cour d’appel rejette toute atteinte à une liberté fondamentale.

En second lieu et s’agissant du caractère bien fondé du licenciement, la Cour d’appel, à nouveau, éconduit l’amoureux en retenant la faute grave. Pour ce faire, la Cour rappelle que la déloyauté du salarié peut être caractérisée lorsque celui-ci cache à son entreprise des situations ou évènements le touchant, en lien avec l’exercice de l’activité professionnelle exercée ou pouvant avoir des conséquences sur celle-ci. En l’espèce, l’employeur démontrait la participation des deux intéressés à des réunions conjointes sur des sujets sensibles où les intérêts de l’entreprise et ceux de Madame X, en sa qualité d’élue, étaient manifestement divergents, de sorte que le salarié se trouvait de toute évidence en situation de conflit d’intérêt, ce qui justifiait la rupture immédiate de son contrat de travail.

Aux termes de cet arrêt, les juges du fond confirment ainsi qu’entretenir une relation amoureuse sur son lieu de travail peut s’avérer risqué voire fonder une sanction disciplinaire. D’aucuns diront que la sanction dépend naturellement du poste occupé. N’est-ce pourtant pas là un critère à géométrie variable dans la mesure où toute personne est censée faire preuve de loyauté et aller dans le même sens que les intérêts de l’entreprise ? En outre, où placer le curseur dans la relation avec son collègue ? Une relation amicale entre un DRH et un délégué syndical aurait-elle eu le même triste sort ? Sur l’autel de l’obligation de loyauté, la Cour Nîmoise rappelle la question du poète “Pourquoi faut-il que l’amour qui est si doux d’aspect, mis à l’épreuve, soit si tyrannique et si brutal ?”

Source : CA Nîmes 15 mars 2022, n° 18/03365