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Le préjudice de perte de chance d’un prestataire doit s’apprécier au regard de probabilités de gain suffisamment concrètes

23 mai 2023 | Derriennic associés|

Lorsqu’on résilie un contrat pour faute, il convient, a minima, de préciser la faute qu’on reproche à son cocontractant… Au-delà de ce rappel de bon sens, cet arrêt donne quelques indications fort utiles sur le calcul du préjudice de perte de chance d’un prestataire, en matière d’échec de projets informatique.

Dans cet arrêt, rendu par la Cour d’appel de Paris, nous avions, classiquement, un client qui avait confié certaines tâches à un prestataire de services informatiques.

Si le texte de l’arrêt ne permettent pas véritablement de comprendre quoi il était précisément question, les conditions de la résiliation du contrat sont toutes aussi mystérieuses.

Le chef de projet du prestataire avait visiblement été forcé par le client de rédiger et signer une lettre aux termes de laquelle il résiliation le contrat.

Ce chef de projet était revenu quelques jours plus tard sur ce courrier, indiquant qu’il avait été produit sous la contrainte (physique) et qu’il ne saurait donc exprimer un consentement valable.

Le client avait alors visiblement pris l’initiative de résilier le contrat en invoquant une faute qu’il ne prendra pas la peine de caractériser.

Le prestataire rétorque par un ultime courrier, aux termes duquel il réclame le paiement des factures dues ainsi qu’une indemnisation pour le préjudice résultant d’une rupture brutale des relations commerciales… sans réponse elle finit par assigner son client.

Dans cet arrêt, la Cour d’appel de Paris rappelle tout d’abord ce qui peut sembler être une évidence : lorsqu’un contrat prévoit des hypothèses qui permettront à l’une ou l’autre des parties de résilier de façon anticipée… il faut non seulement invoquer la matérialisation d’une de ces hypothèse mais également en rapporter la preuve.

En l’espèce, cette démonstration n’avait visiblement pas été rapportée par le client qui n’était pas non plus parvenue, dans le cadre de la procédure, à convaincre le juge qu’une des hypothèses visées au contrat était satisfaite.

De son côté le prestataire revendiquait un préjudice lié à cette rupture anticipée et injustifiée du contrat, et invoquait notamment la perte de chance d’avoir pu réaliser (et surtout facturer !) des prestations.

La démarche du prestataire consistait à prendre comme référence le chiffre d’affaires moyen mensuel réalisé avec ce client pour réaliser des projections sur ce qui aurait pu être effectué et facturé à moyen terme.

Cette méthode de calcul permettait de définir un chiffre d’affaires d’environ 300.000 euros (visiblement calculé sur une dizaine de mois) et d’établir un préjudice en retenant le taux de marge.

La Cour d’appel va rejeter cette solution, estimant qu’elle conduit à identifier un préjudice parfaitement hypothétique puisque rien ne lui garantissait la poursuite des relations et la passation de commandes supplémentaires. Elle va cependant relever qu’une mission d’audit avait été budgétisée pour retenir que le prestataire disposait d’une chance (évaluée à 50%) de pouvoir réaliser et facturer cette mission.

Cette décision semble raisonnable et tient probablement compte de la durée particulièrement brève de la relation (laquelle avait démarré en octobre 2018 pour s’achever en avril 2019). Il est également probable que la Cour ait tenu compte du fait que l’apparition aussi rapides de tension ne permettait pas de supposer que les relations entre les parties auraient perduré dans le temps…

Source : Cour d’appel de Paris, Pôle 5 chambre 11, 14 avril 2023 n°21/10974