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L’intégrateur de solution informatique n’est tenu qu’à une obligation de moyen !

24 mai 2019 | François-Pierre LANI|

Le contrat d’intégration d’un progiciel ne peut être qualité de contrat clé en mains en l’absence de fourniture du matériel ni être soumis à une obligation de résultat dès lors que l’installation nécessite la collaboration et implication des équipes du client, susceptibles d’affecter l’adéquation de la solution proposée à ses besoins.

Une société souhaite mettre en place un ERP et fait réaliser par un assistant à maitrise d’ouvrage un cahier des charges reflétant ses besoins. Elle contractualise fin 2010 avec l’intégrateur d’un progiciel et dès février 2011 des difficultés apparaissent, liées à la mise en place d’une fonctionnalité jugée essentielle par le client.

Le client assigne son prestataire en novembre 2012 devant le tribunal de commerce de Paris, lui reprochant d’avoir failli à son obligation d’exécuter le contrat informatique, obligation de résultat s’agissant d’un contrat clé en main, en ne livrant pas un produit adapté à ses besoins, et à son devoir de conseil et son obligation de mise en garde sur la possible inadaptation du système proposé et le possible dépassement des délais. Le client poursuit également l’éditeur sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour avoir recommandé un intégrateur incompétent et commis une faute en approuvant la solution technique proposée par l’intégrateur en réponse au cahier des charges et en participant à un développement infructueux en encourageant sa poursuite.

L’intégrateur fait état de demandes nouvelles au cours du projet non exprimées dans le cahier des charges qui n’ont pu être contenues dans la version standard du logiciel, et du manquement par le client à son obligation de collaboration relativement aux besoins exprimés et aux résultats attendus.

Les premiers juges déboutent le client de l’ensemble de ses demandes et le condamne à payer le solde des factures considérant que l’intégrateur n’avait pas manqué à son obligation de moyen et que l’éditeur qui n’était pas sorti de son rôle, intervenant en simple appui de son partenaire intégrateur, n’avait commis aucune faute en raison de l’absence de vice rendant le progiciel impropre à l’usage auquel il était destiné.  Le jugement entrepris sera confirmé.

La cour d’une part exclut la qualification de « contrat clé en main » du contrat d’intégration car la qualification impose au prestataire d’assurer la maîtrise totale c’est-à-dire fournir non seulement des prestations d’édition, d’installation et de formation relatives au logiciel mais également la fourniture du matériel spécifiquement conçus par le client formant un tout indissociable.

La cour d’autre part exclut toute obligation de résultat : « l’obligation de l’intégrateur ne peut pas être une obligation de résultat dès lors que l’installation du système informatique nécessite dans sa mise en œuvre, une collaboration et une implication des équipes du client dans la transmission dans la transmission des données nécessaire au paramétrage et dans la validation de chaque étape, susceptibles d’affecter l’adéquation de la solution proposée aux besoins du client. L’intégrateur de solution informatique n’est tenu qu’à une obligation de moyen dans l’exécution de ses prestations et non à une obligation de délivrance. » Cette obligation de moyen était d’ailleurs précisée dans les conditions générales du contrat.

La cour relèvera que le rôle de l’intégrateur est d’installer le progiciel en paramétrant certains éléments en fonction des besoins de son client dans la limite de ce qu’offre la version standard du progiciel. Il n’agit pas en qualité de développeur. Les besoins exprimés le client se sont affinés au fur et à mesure du projet et il n’a pu démontrer que la solution, plus large que la seule fonction « manquante », était inadaptée. Il est établi par contre que l’intégrateur s’est efforcé de mener à bien le projet ERP tel que souhaité par sa cliente avec la mise en place de la version standard de la solution et en sollicitant de l’éditeur du progiciel les modifications de celui-ci en vue de répondre aux nouvelles demandes de sa cliente.

Enfin, quant à l’éditeur, il n’était pas engagé à l’égard du client sur le résultat attendu par ce dernier au regard de ses propres besoins, il avait pour obligation de fournir un progiciel exempt de vice et non une obligation de délivrance ni de conseil relativement à la préconisation de la solution acquise.

Relevons que l’intégrateur n’obtiendra pas de dommages et intérêt pour manque à gagner, ni du fait de la brutalité de la rupture du contrat ne justifiant pas de son préjudice.

DERRIENNIC ASSOCIES

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